Ce tech trip (carnet de route technologique) vous transportera au coeur de la Silicon Valley dans la ville de Palo Alto à la rencontre des acteurs qui font les nouvelles technologies, de l'université de Stanford à la société Google, de l'incubateur Plugandplay à Tesla.
Puis, c'est à San Francisco que le voyage continuera à la découverte d'Airbnb, Techshop, Rocketspace ou FuseProject… Avec toujours en ligne de mire l'effervescence liée aux nouvelles technologies dans cette partie des Etats-Unis. Bon voyage !
Pour bien comprendre les raisons d'un voyage « technologique », il faut revenir à ce qu'est la Silicon Valley. Un peu au sud-est de San Francisco, cette région économique a été baptisée la « Vallée du silicium » dans les années 70 en raison de la forte présence d'entreprises liées au secteur informatique. Le garage à Palo Alto, où HP (Hewlett Packard) a vu le jour dans les années 30, reste un symbole fort. Maintenant, une grosse partie des entreprises mondiales liées aux nouvelles technologies siège dans la Silicon Valley. La Valley, comme on l'appelle désormais…
Plus loin, San Francisco ! Plus loin ? Pas vraiment… San Francisco n'avait rien à voir avec la Silicon Valley encore récemment… Ville festive, symbole de la contre-culture, parfois new-age ou gay, elle cultivait sa différence américaine dans un style très européen. On est ici loin des gratte-ciels de New York ou de Chicago et pas du tout dans le bling de Los Angeles ou Miami. San Francisco est l'épicentre du cool depuis des années... La culture du cannabis est à prendre au sens propre comme au figuré.
Une ville entière qui change avec comme inspiration principale les nouvelles technologies.”
Alors, quand on a appris que les sociétés des nouvelles technologies commençaient à envahir les rues de la ville, que par un effet économique puissant San Francisco était devenue quasi la ville la plus chère des États Unis depuis cette année, que des quartiers comme Mission ou Soma se métamorphosaient et poussaient hors de leurs quartiers les habitants d'origine, RFI a voulu le constater de visu. Car le sujet est devenu sérieux, c'est même le plus commenté dans les cafés branchés des hipster geeks californiens.
Il n'y a pas donc pas que les modèles économiques d'Airbnb ou d'Uber qui soulèvent parfois des polémiques, ce peut être aussi une ville entière qui change avec comme inspiration principale les nouvelles technologies et la fascination qu'elles exercent à l'échelle mondiale. Doux vertige high-tech et bon voyage !
La première sensation en arrivant à Palo Alto : un embouteillage. Du moins une réelle densité de circulation. Cette sensation nous quittera rarement tant le va et vient des employés est incessant entre San Francisco, Palo Alto, mais aussi San Jose, Mountain View, Santa Clara, Redwood city, Fremont voire la Napa Valley. Il est loin le temps où la Silicon Valley était clairement circonscrite. Les Tech entrepreneurs envahissent le terrain. A la sortie du véhicule, une douce odeur de pins….
On est presque en bord de mer, la baie de San Francisco toute proche. Plus au large, la récompense d'un océan longuement rêvé par les pionniers d'alors, juste après les épreuves du redoutable désert. C'est cette atmosphère marine, chaleureuse et puissante qui berce les enfants des nouvelles technologies.
Là, siège Stanford, l'université bienveillante. Le berceau des pères.... William Hewlett et David Packard, deux grands amis d'école et deux ingénieurs en électronique sont sortis de cette université. C'est à Stanford également que Larry Page et Sergueï Brin se rencontreront et débuteront l'aventure Google.
En 2005, à Stanford toujours, Steve Jobs, le père d'Apple, prononcera son fameux discours à l'intention des étudiants de l'université :
« Votre temps est limité. Ne le gâchez pas en menant une existence qui n'est pas la vôtre. (...) Par dessus tout, ayez le courage de suivre votre cœur et votre intuition : d'une manière ou d'une autre, ils savent ce que vous voulez vraiment devenir. Tout le reste est secondaire. Soyez insatiables. Soyez fous ! »
De l'Iran aux nouvelles technologies, un riche et étonnant parcours.”
En bordure de ce lieu de recherche, nous avons croisé la route du professeur iranien de mathématiques Yahya Tabesh. Rattaché à l'université de Technologie de Sharif à Téhéran, il est en résidence à Stanford depuis quelques mois et connaît bien cette université et les nouvelles technologies. Il a été directeur du centre d'informatique (computing center) de l'université iranienne de Sharif. Ce savant fréquente les universités américaines depuis les années 70. Son domaine de prédilection ? Les mathématiques donc et plus spécialement les systèmes d'apprentissage. Il est sur le point de fonder sa start-up ou du moins de partager ses innovations.
On a envie de dire : « Ici tout est possible ! » De l'Iran aux nouvelles technologies, un riche et étonnant parcours. Ecoutons-le nous raconter son périple de chercheur iranien dans l'ambiance d'un café de l'University Avenue de Palo Alto qui est le « lieu de rendez-vous des VC (Venture capitalist) ceux qui investissent dans les startups prometteuses » nous expliquera-t-il :
Beaucoup de choses vont changer et j'ai beaucoup d'espoir pour le futur en Iran.”
Facebook est tout au bout de cette longue University Avenue qui traverse Palo Alto. Le long de la baie de San Francisco, l'équipe du «campus» Facebook a élu domicile au facétieux et provocateur 1 hackers way (chemin des hackers) près de Menlo Park (considéré comme le coeur de la Silicon Valley avec ses nombreuses sociétés de capital risque) . Mais ce qui, à l'origine, n'avait pas été conçu comme un réseau social a pourtant germé sur un autre campus américain : Harvard dans le Massachusetts
C'est en jouant de manière assez potache avec les photos du trombinoscope de l'université que la révolution des réseaux sociaux a vu le pouce bleu du «i like» devenir planétaire.
Elle est loin la blague d'étudiant ! ”
Le siège a été réaménagé en 2011, là où résidait jadis Sun Microsystems (constructeur d'ordinateurs et éditeur de logiciels américain). Maintenant, le réseau au pouce est devenu la troisième lettre du géant économique des nouvelles technologies surnommé GAFA pour Google, Apple, Facebook et Amazon. GAFA, un intitulé pour signifier qu'on ne peut rien faire dans le domaine sans ces quatre là et qu'on peut aussi tout craindre d'eux. Elle est loin la blague d'étudiant ! Nous resterons donc sur le parking de ce fort Alamo, intimidé par un gardien fort peu aimable. Même si l'on a appris maintenant comment manger gratuitement à la cantine certains jours de la semaine…
GGooglePlex c'est un peu plus bas, toujours au fil de l'eau.
On pense au film de série Z Revenge of the Nerds (sorti en 1984) quand, dès l'arrivée sur le Googleplex, le spectacle étonnant d'un teenager obèse qui surveille son Samsung tout en tenant son mug (de café?) avec un sac sur le dos nous amuse. Il s'agit bien d'une revanche tant cette nouvelle génération est en train de tout bouleverser, même les codes vestimentaires.
Et quand un Mark Zuckerberg (le patron de Facebook) se promène nonchalamment en sandales Adidas dans les rues de Palo Alto, cela peut devenir la norme pour les chefs d'entreprise… Bon ok ! Il fait très chaud dans cette partie de la baie de San Francisco, mais quand même…
Googleplex, mais qui est le numéro 1 ?! ”
Googleplex, le mot-valise pour le complexe de Google, semble parfois comme sorti de l'imaginaire de George Markstein et Patrick McGoohan, l'inoubliable acteur de la série anglaise Le prisonnier. Les vélos colorés sont là, un terrain de volley-ball au centre, une cafétéria aux couleurs de l'équipe qui gagne… On se dit qu'on va bientôt entendre une musique d'ambiance. Mais qui est le numéro 1 ?! Googleplex, c'est aussi LE rendez-vous raté du voyage ;-(
Organiser un voyage avec une telle thématique en tête, c'est beaucoup de courriels via les services de presse des diverses entreprises. Google n'a pas été une exception, mais une histoire singulière. Le scoop du siècle n'était pas espéré, loin de là ! Mais au moins une visite guidée aurait-elle suffi à combler de bonheur un journaliste en déplacement dans la Silicon Valley.
Après les premiers appels vers un bon contact chez Google sur le site américain, on s'est rapidement retrouvé expédié vers le service de presse officiel : « car tu sais bon je ne décide pas tout seul »… Service de presse qui nous renvoie illico vers le service de presse français ! Bon c'est mal parti… Les demandes sont faites de Paris, on attendra…
On n'aura pas le temps de vous recevoir, une conférence va suivre, bref next time. ”
Rien n'avance et à 3 semaines du départ, c'est non ! « On n'aura pas le temps de vous recevoir, une conférence va suivre, bref next time. » Heu ? La prochaine fois ?! Alors c'est au bluff, via un contact haut placé qu'on fait une enième requête : « Vous pensez que vous pourriez m'aider pour aller visiter Google, j'ai vraiment du mal à me faire recevoir. C'est juste pour visiter la cafétéria vous savez, rien de grave, mais quand même, être à Palo Alto sans pouvoir écrire sur le site de Google, je vais avoir l'air malin. » … « Ah, mais bien sûr je vous mets en contact avec une bonne amie. »
La bonne amie, assez haut placée, qui après 4 courriels semble expliquer que « oui, pourquoi pas, on trouvera le temps forcément. »
On se dit chouette et puis Bing ! La bonne amie se retrouve en copie du courriel du service de presse officiel qui dit « non » avec les mêmes éléments de langage !
Grrr Pffff !!
Alors comme Google Plex est sur la carte, et qu'on s'efforcera de ne jamais quitter des yeux durant tout le séjour le petit point bleu indiquant la bonne direction sur la fameuse GoogleMaps de l'iPad ;-), on se dit qu'on va passer en voiture devant, comme cela, pour en avoir le coeur net. On ne sait jamais. En voiture c'est facile, il suffit de suivre la masse de véhicules qui le matin à la sortie de Mountain view tournent vers l'amphithéâtre.
On se retrouve sur le parking et dingue ! Une place juste devant. Ok, on se gare. Les vélos multicolores Google en libre-service garés juste devant la boutique sautent aux yeux, alors on shoote bêtement… La boutique, on se dit, ce sera pour la fin. On s'avance dans le complexe.
Un employé passe pédalant sur son vélo Google, avec des Google Glass sur le nez, marrant, voire exotique… ça y est, on y est ! On n'aurait raté cela pour rien au monde.
On croise deux groupes qui font des visites guidées, des gens font des photos. On se dit : « Ok merci le service de presse ! » Alors on shoote de plus belle et on traverse le complexe jusqu'au bout. Dingue quand même ces vélos, rigolo ce camion salon de coiffure temporaire posé en bordure de bâtiment, marrant ce terrain de volley-ball, funky la cafétéria...
Et là, au bout du complexe, derrière une porte, une belle sculpture vidéo orne un mur avec les lettres du moteur de recherche Google qui clignotent comme sur un doodle arty (les animations autour du logo Google sur le moteur de recherche).
Bon c'est à ce moment-là que la faim a dépassé les… Enfin les yeux sont devenus plus gros que… Bref, on s'est entendu demander au gardien :
Les photos sont interdites ici ! Vous êtes un employé Google ? ”
Juste un petit coup d'oeil vers ce qui semblait une intéressante et intrigante bibliothèque à côté du terrain de volley-ball et le garde nous interpelle :
- « Euh non… »
Le reflex Canon est maintenant invisible dans le sac, l'iPhone planqué dans la poche, on se dit que les Google glass ce n'est pas encore trop pour les journalistes. On marche doucement vers la sortie. Le garde nous suit, mais à distance. A mi-chemin, on retraverse tranquille la jolie rivière, la mountain wiew slough, qui partage le Googleplex pour se faire accueillir sur l'autre rive par un autre garde, lunettes de soleil à feuille d'aluminium sur le nez. Pas vraiment le moment de parler fashion-police avec lui, il explique :
- « Mais vous faites quoi ici ? Ce site n'est que pour les employés ? »
- « Euh Ok ok ok, je voulais juste acheter des objets à la boutique pour mes enfants. » (Pfff ! Ça ne va jamais marcher un mensonge pareil)
- « La boutique n'est que pour les employés, vous devez partir d'ici monsieur. »
- « Ah très bien, j'ai compris, ma voiture est là. J'y vais, j'y vais… »
Ouvrir la portière de la voiture, poser son sac, faire une marche arrière et constater qu'un 4x4 attend juste derrière avec un autocollant Google security affiché dessus. Houps ! Sortir aller tout droit ! Le 4x4 suit.. En face c'est LinkedIn. On fait le tour du parking, c'est gigantesque ici aussi, dis donc ! Pas trop le temps de penser quand même à ce gigantesque réseau social, le 4/4 est toujours derrière. Bon surtout ne pas descendre prendre des photos, ça ferait bizarre ou insolent.
Chercher la sortie.
Mais tout est affiché Google dans ce quartier ! Le 4x4 est toujours en observation derrière…
Ouf ! Des feux de signalisation, des panneaux de direction, la route 101 s'annonce. L'emprunter dans n'importe quel sens ! Le 4x4 nous regarde partir. Rétrospectivement, on se dit qu'on a bien fait de ne pas monter sur ce vélo qui pourtant nous faisait de l'œil. Bienvenu chez Google !
On va prendre l'air avec le constructeur automobile électrique Tesla et se retrouver dans une campagne à l'allure de far-west. Le désert n'est vraiment pas loin d'où cet air très chaud qui nous fait nous sentir bien.
Tesla, c'est le symbole de la "disruption". C'est le mot qui claque pour l'ensemble des entreprises Tech de la vallée. Le professeur Clayton Christensen de l'université de Harvard a inventé ce terme dans son livre Le dilemme de l'inventeur en 1997.
Il parlait d'innovation disruptive pour signifier qu'une innovation peut tout à la fois créer un nouveau marché et un nouveau réseau de valeurs mais aussi éventuellement détruire un marché ou un réseau de valeurs. Les «entrepreneurs» (terme utilisé en français chez les Américains non sans une pointe de snobisme) s'imaginent tous transformer, «disrupter» le monde et par voie de conséquence faire le maximum de cash -ou de clash- !
Les chevaux de la modernité et aussi de la discorde sont dans les moteurs Tesla. »
Mais Elon Musk, le jeune patron de Tesla, même s'il a des discours enflammés et une fortune bien assise, fait preuve aussi et surtout d'un réel bon sens. Le changement semble en marche et il est pensé non loin de Palo Alto, ici dans ce coin de verdure à côté de ces chevaux qui paissent comme dans un bon western.
Les chevaux de la modernité et aussi de la discorde sont maintenant dans les moteurs de ses véhicules électriques, promet Elon Musk. Et ce sont les batteries qui comptent maintenant ! Un bouleversement à venir, affirme-t-il, pour une société américaine, pour ne pas dire un monde, qui tourne autour de la voiture et de son approvisionnement incessant en pétrole.
Les lobbys américains semblent d'ailleurs vouloir lui faire la peau et les groupes pétroliers doivent bien le regarder de travers. Qu'importe, Telsa a annoncé la mise à disposition de son brevet en open-source et fair-use, ce qui veut dire qu'on peut déjà utiliser sa technologie, sans trop lui nuire non plus…
Tesla : le nom ne vient pas de nulle part. C'est à l'origine celui de l'un des plus grands scientifiques dans l'histoire de la technologie et un spécialiste de l'électricité : Nicolas Tesla. Une voiture Tesla, c'est devenu le must-have pour les gagnants de la Silicon Valley. On les voit sur les parkings de Facebook, dans les rues de Cuppertinno, conduire ce rutilant bolide, qui bien qu'électrique n'a rien à envier à une Porsche. A l'extérieur comme à l'intérieur, Tesla est gage de réussite voire de bon sens disruptif, on y revient…
La firme Tesla étonne même sur sa façon de communiquer qui bouleverse l'univers très sérieux de l'automobile, qui auparavant ne se permettait des effets d'annonce que lorsque le produit était fiable à au moins 80%.
Chez Tesla tout va plus vite, on communique même sur les stratégies dans les dix années à venir. La partie de poker a commencé !
Même air chaud, même ambiance de western urbain, mais là devant un fort imprenable : on est chez Apple. Avec pourquoi pas une ambiance de cavalerie futuriste dans cette ville de Cuppertino. Car le western est devenu technologique et c'est comme si nous étions des indiens "sauvages" en attente des nouveautés pensées par les successeurs de Steve Jobs ou dessinées par le designer Jonathan Ive.
Bâtisse élégante, même les jardiniers paysagistes semblent apprécier le style épuré et simple du design Apple…
Le drapeau américain claque, les navettes des employés tournent. Tout semble plus beau, plus parfait, plus propre, plus lisse…
Ici, on a créé le nouveau monde du smartphone à coup d'iPhone, celui des tablettes à base d'iPad et les fans espèrent encore des surprises à venir. Une montre, une télé, un iphone 6, une tablette ?! Une domination au quotidien impressionnante ! Pas un open-space d'entreprise visitée dans cette partie de la Californie sans la totalité du parc informatique en Mac, pas un café observé dans les quartiers des villes sans une dizaine du dernier modèle de MacAir posée sur les tables et franchement, ils sont peu nombreux à dégainer autre chose qu'un iPhone de leur poche…
Mais la culture du secret chez Apple reste archi forte (à l'inverse de Tesla) et on se demande parfois si c'est même facile à vivre pour les employés. On l'a appris de source sûre, chez les salariés d'Apple le off n'existe jamais. Même après quinze téquilas !
L'école de Palo Alto est un courant de pensée et de recherche qui a pris le nom de la ville où il est né. Le Mental Research Institute (MRI) a été fondé à la fin des années 50 par le psychologue Gregory Bateson, père de cette école qui s'est spécialisée dans les thérapies brèves. Les mantras de ses fondateurs permettaient aux patients de voir le monde autrement, de solutionner des problèmes de couple ou de groupes sociaux en apprenant à inverser les dynamiques négatives.
On parlait cybernétique, interactions voire antipsychiatrie. Il fallait sortir de la plainte permanente de l'analyse comme dirait maintenant le philosophe et hypnothérapeute François Roustang. Paul Watzlawick est l'auteur le plus connu de l'école de Palo Alto. Pétri de philosophie zen, de connaissances mathématiques et de bon sens, le monsieur a permis à une quantité d'Américains d'envisager sans accroc le changement. Le new-age a été crée tout près, ne l'oublions pas…
Paul Watzlawick écrivait : « Pour se comprendre lui-même, l'homme a besoin d'être compris par un autre. Pour être compris par un autre, il lui faut comprendre cet autre » dans le livre au titre évocateur : La réalité de la réalité. Ou encore : « Une des erreurs les plus courantes concernant le changement est de conclure que, si quelque chose est mauvais, son contraire est nécessairement bon » dans le recueil Changements.
Et celle-ci qui semble d'actualité concernant les nouvelles technologies : « Contrairement à l'opinion générale, l'ordre et le chaos ne sont pas des vérités objectives mais – comme d'autres choses – déterminés par le point de vue de l'observateur. »
Qui sommes-nous pour regarder et comprendre ce qui se passe ? semblait-il toujours dire.
La vie est un jeu dont la règle numéro 1 est la suivante: " Attention, ce n'est pas un jeu, soyons sérieux."”
C'est donc aussi, on a très envie de le croire, sur ces bases où tout schéma de pensée semble envisageable, qu'un Steve Jobs pouvait s'imaginer construire avec des amis ses premiers ordinateurs Apple dans son garage à Cuppertino pour honorer la commande d'un fournisseur du coin.
Par la suite, il a bâti un empire, l'a perdu et l'a remodelé ensuite de toute pièce encore plus puissamment. C'est de même qu'un Larry Page s'est mis à physiquement fouiller Internet, installé une fois encore dans un garage, et qu'il a conçu son graph search, l'algorithme surpuissant devenu le moteur de recherche Google.
Watzlawick citait aussi l'un des pères de la contre-culture aux États-Unis, le psychologue Alan Watts qui a dit un jour : « la vie est un jeu dont la règle numéro 1 est la suivante: " Attention, ce n'est pas un jeu, soyons sérieux." »
Les joueurs à la table de poker qu'est cet écosystème high-tech semblent parfois avoir réellement pris le contrôle de ce jeu sérieux. C'est sur ce terrain psychologique, à savoir que l'entreprenariat peut sembler tantôt fou tantôt pas du tout, que les fortunes se sont faites. Cette singulière volonté d'échouer pour mieux réussir ensuite continue de bouleverser les usages et les techniques.
L'histoire de Twitter narrée par Nick Bilton est symptomatique de cette culture d'entreprise : s'appuyer sur des échecs pour produire un média social à l'impact diplomatique planétaire ! Ces entrepreneurs sont fins psychologues, mais loin d'être des anges pour autant et l'histoire est édifiante... Palo Alto, les entrepreneurs du monde entier le reconnaissent tous, est devenu un passage obligé car c'est dans la Silicon Valley que les idées naissent et se partagent.
Le brainstorming est à ciel ouvert, la tempête sans aucun nuage, dans cette ville où il fait beau le plus clair du temps...
Autour des géants et un peu comme des abeilles joueuses alimentent la sérieuse ruche, la Silicon Valley se nourrit des trouvailles des incubateurs de start-up. Un incubateur, c'est un open-space géant pour jeunes entreprises en devenir. C'est dans ces lieux que les idées les plus folles, les plus réalistes aussi, prennent forme, se résolvent et se concrétisent au sein de petites équipes, entre entrepreneurs, avec le soutien financier des business angels ou aussi VC, venture capitalists (ceux qui arrivent avec les fonds suffisants pour consolider la startup).
On a visité l'incubateur international PlugandPlay d'où est sorti Paypal (un service de paiement en ligne) et on y a fait la rencontre de l'enthousiaste Guillaume de la Tour, à la tête de la société BlueFox, qui tenait à nous expliquer que : « Non, on n'est pas parti parce qu'on n'aimait pas la France, c'est juste que c'est ici que tout se passe ! »
L'incubateur PlugandPlay c'est l'histoire de frères iraniens, explique Guillaume de la Tour, dont l'un a dit à l'autre : « Je vais créer l'endroit pour que tu puisses développer ton entreprise. » L'un créait PlugandPlay, l'autre imaginait Paypal… Pas mal ?!
Plugandplay est maintenant « un des plus gros incubateurs » de la vallée dixit Guillaume de la Tour. Nous sommes allés à la rencontre de certains de ses acteurs, de ses petits qui deviendront grands sans aucun doute… Guillaume La Tour avec BlueFox, le catalogue malin de photos OuiPic ou Virginie Simon, ingénieure en biotechnologies, fondatrice de MyScienceWork…
Forte de son succès, Virginie Simon quittera d'ailleurs bientôt l'incubateur PlugAndPlay pour rejoindre RocketSpace dans San Francisco, elle explique :
On est un peu, comme un LinkedIn pour scientifiques.”
Ici, « 95 % des boîtes sont étrangères. C'est un des meilleurs moyens pour se faire connaitre, reconnaitre, trouver des investisseurs. » C'est aussi l'occasion de ne pas « être chez moi tout seul. Ici, il y a plein d'événements pour les entreprises. Des boîtes auparavant injoignables viennent nous voir. Ça bouge ! » nous explique le fondateur de Ouipic. « Ce serait pas mal de se faire racheter. Un rachat ou faire de l'argent, car les loyers sont très chers. » Ah ? Même dans la Silicon Valley ? Beaucoup de questions, des réponses... Ils ont beaucoup à dire sur leur vie ici. On les écoute ?
Au départ de l'aéroport de San Francisco, il était inscrit :
Entrepreneurs, la ville de San Francisco vous remercie pour la richesse que vous développez pour ses habitants !”
C'est Jean-Pierre Dupuy, professeur français invité à Stanford, qui a mentionné la Singularity university quand on souhaitait recueillir son témoignage personnel. En nous soufflant aussi qu'il existe l'option transhumanisme, ceux qui prédisent que les robots accompagnés de l'informatique prendront en quelque sorte la main sur nos destins...
Car attention, à Palo Alto, loin de l'université « traditionnelle » fleurissent des écoles privées où l'on envisage le futur en programmes courts. Des summer camps (des stages d'été) aux intitulés les plus fous.
Un coté naïf et très érudit à la fois. La singularity university a été pensée par Ray Kurzweil : célèbre visionnaire et défenseur du concept de singularité technologique qui fait référence à ce possible moment dans le futur, où l'homme et la technologie ne feront plus qu'un. Pour l'instant, on doit franchir le portique du NASA Center et montrer patte blanche.
Et de dire au gardien :
- « Non monsieur, le permis de conduire français n'a pas de date d'expiration. Il est juste à points, enfin bref. Merci monsieur… »
On y a suivi une session animée par Ross Shott. Dans son cours, on mélange technologie opératoire du cerveau avec technologie à porter sur soi (wearable tech), mais aussi les pilules à ingérer pour s'assurer que l'on est en bonne santé.
On pense et parle au futur sur ce site de la Nasa et on se dit que les nouvelles technologies nous font sortir du tabou de la sphère de l'intime médical. Car ce qui se passe sur la table d'opération est presque devenu un réel sujet de conversation, un moyen d'obtenir des données, d'envisager une médecine : «prédicative, préventive, personnalisée et participative», dixit Ross Schott. Le ton est réellement très décomplexé…
Le futur en matière de santé sera dans la détection rapide.”
Nous sommes tous en train de devenir des e-patients affirme Ross en sachant que « le coût des problèmes génétiques est inférieur au coût des mauvais comportements vis à vis de la santé. »
Ross sur scène témoigne d'un moment à venir où une voix pourrait nous conseiller : « ne sers pas la main de Ross aujourd'hui », car selon un calcul savant de données, le risque potentiel d'attraper un rhume se sera activé. Le futur en matière de santé sera dans la détection rapide explique Ross.
Avec comme démonstration de fin de cours, l'objet connecté Scanadu qui simplement posé sur le front peut établir un bilan de santé très poussé. Ouf ! On va quand même sortir d'ici...
Retour dans les rues, à priori paisibles, de Palo Alto. On passe devant l'immeuble du groupe chinois Tencent, ancienne église devenue boîte à secret chinoise. Juste à côté dans une rue voisine, on flashe sur l'élégant logo en forme de F gravé dans une vitre d'un bâtiment qui s'est avéré être les locaux des équipes de Flipboard. Flipboard, c'est l'idée de génie d'un ancien d'Apple, Evan Doll.
Cette application de lecture en ligne pour smartphones ou tablettes, au superbe design a même laissé penser que ça y était ! On avait trouvé le futur de la presse dans une application. Bon, ce n'est pas vraiment le cas, mais Flipboard fleurit sur les smartphones, d'Apple comme Androïd, et mobilise une main-d'oeuvre nombreuse.
Notre logement Airbnb étant voisin, on s'est précipité pour leur envoyer un courriel, une réponse rapide et un rendez-vous au pied-levé. Comme quoi ! Bref, on a assisté le vendredi après-midi à une session détendue de présentation de nouveaux projets aux équipes, entre deux matchs de Coupe du monde.
Le groupe Tencent aurait piqué la place que Flipboard convoitait dans cette église. Chez Tencent, on ne rentrera pas, impossible. Mais le monstre technologique chinois impressionne.
Le terme crise en chinois est symbolisée par deux caractères 危机 wēijī
Le premier signifie danger, alors que l'autre veut dire moment à saisir, opportunité.
La crise, c'est donc l'occasion à saisir au milieu du danger. Une vision toute chinoise qui ne déplairait pas à l'école de Palo Alto, tout comme aux créateurs de la Silicon Valley…
Cela fait une année à peine que la start-up Airbnb, fondée en 2007, a déménagé dans des locaux flambant neufs. Ils ont été dessinés par le cabinet d'architecture Gensler et le studio de design d'intérieur : Interior design fair.
Les trois impressionnants étages de ce bâtiment sont emblématiques de l'évolution de cette start-up qui d'un site de partage d'appartement, à la bonne franquette dirions-nous, se voit maintenant devenir un concurrent des groupes hoteliers les plus chics.
Nous parcourons l'histoire de cette étonnante start-up, de salle en salle, avec la franco-danoise Lisa Dubost des Ressources humaines.
A écouter et à voir ! Une demi-heure dans les bureaux d'Airbnb, qu'on qualifiera de franchement grisante (excitant comme ils disent…) et bavarde comme on aime. Lisa Dubost nous a même confiés après l'entretien qu'elle avait oublié de nous raconter certaines histoires de ses voyages via Airbnb…On reviendra !
Les start-ups en cours d'incubation sont soumises à la plus forte des pressions. Pitch (discours), meet-up (rencontre), confrontation avec des investisseurs, réévaluation des projets, pivot (pour dire qu'on va changer son idée…) ? Bref, pas facile pour des jeunes de 25 ans qui tiennent à conserver la foi.
Alors parfois, on se détend tout en restant archi sérieux… Une soirée française à écouter : La soirée « While42 and ubi i/o welcome EPITECH! » Ubi/IO c'est le programme spécial de l'organisme UbiFrance à l'internationale et notamment dans la Silicon Valley.
Ils y accompagnent des start-ups en devenir pour favoriser leur succès. Le même soir, il y avait While42 un réseau de développeurs en informatique français et Epitech, une école d'informatique française. Dernière précision, nous sommes dans les locaux de Kwarter, une entreprise fondée par le Français Carlos Diaz (un des fondateurs du mouvement des Pigeons qui a secoué la «pesanteur» économique française). Du lourd ? En tout cas, plein d'idées à entendre...
Pitchs de trois start-up, sous les remerciements, les rires partagés d'être ensemble à l'assaut des nouvelles technologies dans San Francisco :
Interview de Mathieu Lhoumeau, fondateur de Contractlive, une solution à la paperasserie administrative des contrats d'embauche. Disruptif ou juste du bon sens ?
Juste au-dessus d'Airbnb et en plein coeur de Soma, ce quartier South of Market qui est le nouvel espace de jeu des entreprises tech, nous avons croisé la route des fondateurs de Techshop.
Techno, bricolo, cet atelier est la figure de proue de ces techniciens qui veulent aller au bout de leurs idées en mettant la main à la pâte. Dans Techshop, les imprimantes 3D côtoient les lasers ou les machines à découper...
C'est dans les ateliers de Techshop, laboratoires de géotrouvetout, que chacun, bricoleur tech en herbe, peut apprendre, via des cours et des aides personnalisées, à fabriquer son prototype…
Une interview quasi les mains dans le cambouis avec Mark Hatch, co-fondateur de Techshop et leader reconnu du maker movement, mais aussi Jim Newton, le fondateur.
A écouter en VO :
Mission, c'est le quartier mexicain de San Francisco (il doit son nom à la première mission espagnole en 1791 Mission Dolores) qui demeure parfois un peu dangereux. Alex Botteri, fondateur de RingMeMaybe (une application pour se créer des numéros de téléphone), nous a promené, un après-midi de week-end, dans ces rues pas toujours reluisantes, mais aux fresques symboliques et d'actualité. Il nous avait dit : « Tu veux voir où ça accroche, être au cœur du conflit ? Je te donne rendez-vous à la station Bart à l'angle de Mission et la 24e rue » On l'a suivi.
Si la ville a délimité un Chinatown (quartier chinois) assez exotique, Mission est quant à lui la vitrine des mexicains. Seulement voilà, avec le train Bart (pour Bay area rapid transit, un train qui traverse la baie) juste à côté mais aussi la route 101 tout en bordure, c'est l'endroit idéal pour envisager de profiter de la douce San Francisco et aller travailler dans la Silicon Valley. Ou bien de rester travailler en ville à peu de frais. Ajoutez à cela, explique Alex en souriant, « que les hipsters n'ont ni peur de la crasse, ni des ambiances funky voire bizarres. » Le hipster, originaire de Brooklyn, est ce mélange étonnant d'un bobo et d'un geek -féru d'informatique-, voire d'un nerd -un imbécile heureux derrière son ordi-, arborant moustache, pantalon feu au plancher et pas de chaussettes dans ses chaussures en cuir.
Moyen de transport privilégié : un vélo fixie (un vélo à pignon fixe). Ce sont ces nouveaux jeunes qui font l'énergie de San Francisco ou de la la Silicon Valley On parle maintenant de « gentrification » et « la ville semble réellement appartenir aux jeunes », sourit Alex.
Moins de 30 ans sans dress-code, ils ont maintenant envahi Mission et ont fait grimper la déjà belle bulle immobilière de San Francisco. Résultat : des loyers exorbitants maintenant proposés par des propriétaires malins qui ont, de fait, vidé le quartier de ses habitants d'origine.
La grogne est intense, des manifestations ont été organisées devant les bus navettes Google (ou d'autres entreprises des nouvelles technologies), avec parfois beaucoup de mise en scène, pour critiquer une ville qui semble particulièrement généreuse avec ses riches hipsters. Le symbole de la contestation ? Ces fresques murales qui ornent les ruelles de Mission.
Puissantes et naïves à la fois, ces œuvres de street art mettent en relief le conflit qui gronde. Mais que peut faire une communauté qui vivait dans de médiocres conditions face à des projets immobiliers luxueux et la promesse de fortes rentrées d'argent pour une ville qui voit du meilleur œil ces jeunes gens somme toute bien éduqués ? Dilemme…
Car à l'autre bout de Mission, la révolution immobilière s'est déjà mise en branle. Tout va si vite !
C'est en parlant au Sightglass coffee sur la 7e au coeur de Soma, le nouveau quartier tech, avec une journaliste spécialisée dans la gastronomie, Rebecca Flint Marx, qu'on a pris conscience que même dans la nourriture, la tech peut promettre le meilleur comme le pire.
Car la nourriture c'est très sérieux à San Francisco où réside une population fan du mouvement farm to table, de la ferme à la table, pour laquelle les producteurs locaux proposent des produits de saison succulents aux nombreux restaurants de la ville. Le critique du New York Times et food-blogger renommé résidant à Paris David Lebovitz, en réponse à un courriel, nous avait d'ailleurs mis l'eau à la bouche :
« Hi Thomas: Cooks in San Francisco don't do hi-tech foods and don't do things that are trendy or gimmicky, but instead are very interested in best quality and local ingredients from nearby farms. If you go to the San Francisco Ferry Plaza Farmer's Market on Saturday morning, you can see the local fruits and vegetables, and meats raised sustainably, that chefs and cooks use and feature in San Francisco. » (Les chefs de San Francisco ne font pas de nourriture high-tech ou de trucs branchés, mais plutôt restent très attachés à la qualité et proximité des produits des fermes alentour. Si tu vas au marché Ferry Plaza un samedi matin, tu verras ces produits locaux et bios que les chefs utilisent.)
Des produits locaux à l'exemple du site Good Eggs qui s'efforce de livrer les bons produits locaux chez vous.
Mais c'est sans compter sur cette folie tech qui s'empare de tous les domaines !
Fabriquer de la viande synthétique en impression 3D. ”
Selon Rebecca, l'idée de Soylent par exemple est un peu tarte à la crème, mais pas si idiot. En fait, son créateur s'est dit qu'il en avait juste marre de manger, mais qu'il voulait se créer ses doses de protéines par jour. Résultat un produit digne d'un film de science fiction qui n'a pas l'air très appétissant et qu'on peut commander via Internet. Les Finlandais sont sur le même type de produit en plus appétissant semble-t-il : Ambronite.
Mais avec Hampton Creek Food, c'est plus amusant et terriblement tech. Ou comment faire de la mayonnaise sans oeufs…
Il parait que c'est aussi bon… On n'a pas eu l'opportunité d'y goûter. « Et voilà une idée étonnante », ne peut s'empêcher de commenter Rebecca quand elle parle de Modern Meadow l'air un peu intriguée. Modern Meadow se sont de doux (?) rêveurs qui s'imaginent fabriquer de la viande synthétique en impression 3D…
Hum hum… Sur le papier, c'est d'une logique implacable et bon pour l'environnement disent-ils, mais quand même quoi ?! Et que dire de Vessyl, le dernier objet connecté (pensé par Yves Béhar de FuseProject) qui va faire du bruit, c'est certain, et promet de calculer le contenu des liquides que vous comptes boire.
Il parait que le verre Vessyl sait même faire la différence entre le Coca et le Pepsi…
Quand on vous dit que la tech est partout !
Eliane Fiolet est arrivée dans la Silicon Valley en 1999. Elle dirige maintenant le site Ubergizmo une référence en termes de site critique sur les «gadgets». Uber, c'est un adjectif ici pour signifier super et gizmo cela veut dire gadget. Sur son site toutes les nouveautés, issues principalement de la Silicon Valley, y sont décryptées…
Mais, de son arrivée en 1999, au crash des années 2000, au redémarrage maintenant, beaucoup de soubresauts et de changements dans cet univers tout de même bien spécial que sont les nouvelles technologies. Elle en a été une observatrice privilégiée.
On l'écoute, dans l'atmosphère bruyante d'un café, nous raconter son parcours et ses découvertes en matière de gadgets intelligents…
J'ai eu l'occasion d'arriver dans la Silicon Valley fin 1999. Google était une start-up à ce moment là. ”
C'est un petit oiseau bleu
Accroché à la colline....
C'est Twitter qui avait lancé le signal en prenant ses quartiers dans une portion de rue autrefois mal famée à Market street, loin de la Silicon Valley et au cœur de San Francisco. Et, depuis, ils ont suivi : Yelp, Airbnb, Salesforce...
Google a même des bureaux en bordure de baie. Le quartier proche de Twitter est Tenderloin, où ça craint et zone beaucoup. Mais depuis peu les choses changent ! On est passé devant (le service de presse a été aussi sympathique que chez Google) donc on n'a pas tenté d'y forcer la porte (une expérience suffira). Google a des bureaux à San Francisco aussi mais un peu plus vers la zone portuaire après Soma.
Visite aimable dans les locaux de Change.org.
Ce site de pétition en ligne gagne en puissance depuis des années.
Ambiance calme et recueillie au moment de la réunion du lundi.
En cercle, les employés annoncent leurs projets, leurs réussites…
Les claquements de doigts accompagnent les félicitations…
Le cercle diminue au fur et à mesure des départs des employés vers leur poste de travail. La petite entreprise de pétition en ligne de Ben Rattray a bien évolué…
On se devait de rendre visite à une société spécialisée dans le design. C'est la grosse tendance pour les nouvelles technologies. Nous sommes ici très loin de la laideur des anciens parcs informatiques.
Avec l'iPhone d'Apple en référence, les nouvelles technologies, mais aussi la totalité des nouveaux objets connectés, ceux qui se portent, qui s'accrochent dorénavant dans la maison ou au bureau se doivent d'avoir un look, un style.
C'est le travail d'Yves Béhar, star incontestée du design et des nouvelles technologies. Son dernier produit, un bracelet qui sert de clé pour ouvrir à distance : August. Mais aussi l'étonnant et prometteur verre connecté Vessyl qui est dans les cartons.
Dans les locaux de FuseProject, forcément design, on a eu la chance de dialoguer avec Noah Murphy-Reinhertz, Director Industrial Design.
Plutôt que de simplement coller un logo sur un produit, vous pensez le produit... ”
RocketSpace c'est l'incubateur, implanté au cœur de San Francisco, qui fait beaucoup parler de lui autant par ses résultats que par sa stratégie innovante pour permettre aux start-ups d'éclore rapidement. Plus de cent-soixante dix entreprises adhérent (soit près de six cent cinquante personnes) à ce « campus technologique ».
Visite en VO en compagnie d'Eryc Branham, chief revenue officer and general manager.
Rocketspace est une start-up en soi.Nous sommes passés d'un petit espace de travail à un campus technologique. ”
C'est dans un restaurant BBQ traditionnel, après la visite du quartier Mission, qu'Eric Botteri nous a parlé de son expérience professionnelle. Off the record comme on dit, même s'il n'a rien à cacher, il avait surtout beaucoup à échanger. On a discuté longtemps comme cela…
A un moment, il cherchait une citation pour illustrer la fragilité des idées…
Il ne l'a pas réellement trouvée sur l'instant, mais il s'agissait d'une citation de Jonathan Ives, le designer élevé au rang de chevalier de l'Ordre de l'Empire Britannique par la princesse Anne. Il est vrai que c'est un raisonnement compliqué pour illustrer certains aspects de sa collaboration avec Steve Jobs : « En règle générale, ce qui se passe, c'est une conversation entre deux personnes. Et puis vous commencez à dessiner pour essayer de décrire et de développer cette idée fragile. Puis, une chose remarquable se produit au moment où vous fabriquez le premier objet, ce moment où vous donnez réellement une forme et une dimension à l'idée.
Dans l'ensemble du processus, c'est le vrai moment où la transition est la plus importante et où, soudain, vous pouvez associer plusieurs personnes. Ça suscite de l'intérêt et cela peut galvaniser un groupe de personnes, ce qui est très fort. » C'est avec une idée au départ fragile, qu'on pourra donc motiver des centaines de gens. Mais il faut savoir garder cet esprit de l'idée fragile. C'est toute la force de la Silicon Valley. C'est de cela, d'idées fragiles, qu'elle est paradoxalement constituée. Des idées toutes bêtes, des blagues, des envies de faire face à un problème, des défis aussi…
Avec un certain code de conduite qu'Eliane Fiolet d'Unbergizmo, comme la totalité de nos interlocuteurs, nous ont clairement défini. Une philosophie de vie de travail, en quelque sorte un credo en trois temps pour protéger ces idées fragiles.
1 - Interdit d'être négatif
« Il est interdit d'être négatif. De dire : ça c'est nul ! », explique Eliane. « En France, on a l'esprit critique. C'est même bien vu pour paraître intelligent de savoir critiquer. C'est social. Aux USA, selon eux, critiquer c'est de la stupidité, ça ne sert à rien. » La méthode ? Trouver ce qui est bien dans toute chose et faire du business. Dire « c'est nul » de la part d'un chef d'entreprise, ça va le déprécier et cela ne met pas dans une bonne disposition pour travailler avec ensuite. Mais attention, quand on entend « C'est super ! Mais il faut améliorer cela ou cela », ça veut dire que c'est nul, dit-elle en éclatant de rire. George Nahon explique aussi : « En France on parle pour avoir raison, ici on parle pour avancer, ce sont deux postures différentes. » Il rapproche cela de la notion de sérendipité, la capacité de découvrir un peu par chance ou juste par intuition..
2- La vitesse
« Ici, tout va beaucoup plus vite ! » explique Eliane encore. « La norme pour ceux qui travaillent en France, c'est : plus je suis indisponible, plus je travaille. Ici c'est l'inverse : ça veut dire plus je glande ! » rit-elle. Si un responsable n'a pas répondu à un mail dans les cinq minutes, il est mal vu et l'idée est de systématiquement répondre à une start-up car qui sait ce qu'elle va devenir.
Car ici les gens savent que l'innovation vient des start-up, surtout pas des grands groupes. Un processus de décision rapide est nécessaire à cette innovation de qualité, à l'idée première fragile. L'innovation ne sera plus trop chez les grosses entreprises, même pour Google qui n'hésite d'ailleurs pas à racheter de manière agressive...
3- L'ouverture d'esprit
« Il faut savoir établir la confiance. » Alors ici il y a des événements tout le temps : meet-up, speech, talk, présentation… Eliane Fiolet explique : « Au début, j'allais même à deux ou trois événements par soir ! » Il y a une culture de la réunion, de la conférence, du débat ou le speech de présentation…
Le pitch fait loi, en 5 min vous devez présenter votre idée , ça passe ou ça casse…
Avec une culture de l'entraide et du « Yeah ! Let´s go !! » exagérément enthousiaste, mais aussi terriblement réconfortant ...
Quitte à se retrouver seul dans un coin à un moment, mais l'échec est un passage pas une impasse…
Eliane en profite pour faire une parenthèse sur la France avec son univers trop souvent sexiste et son culte maladroit de la grande école qui peut faire sourire ici. Mais dans la tech en Californie, il n'y a toujours pas beaucoup de femmes non plus, constate-t-elle, « même si c'est plus accessible néanmoins. »
C'est une conversation avec l'analyste affuté et bienveillant Georges Nahon, expert de la région via son Orange Labs dans le Financial district de San Francisco, qui va nous permettre de mettre au clair l'activité dans cette région, cet écosystème est si différent des autres.
Ce monsieur, CEO d'Orange Silicon Valley, possède un regard juste et acéré. Orange Labs, c'est un programme d'incubateur monté par le groupe français sur les modèles américains. Avec M. Nahon on abordera de nombreux sujets.
Le passé ne sert plus à comprendre ce qui va se passer. ”
Pourquoi la Silicon est ce qu'elle est ? Pourquoi elle pense pouvoir changer le monde ? Les datas-center sont-ils déjà au bord de la surchauffe ? Les coulisses et la scène des nouvelles technologies ? La notion de « devops » ? La richesse et la rébelion qui font cette région ? Mais aussi, comment les GAFA vont plus vite qu'un gouvernement !?
« Le passé ne sert plus à comprendre ce qui va se passer », nous expliquera-t-il, tout en mentionnant un exemple du moyen-age pour comprendre les comportements dans la Silicon Valley…
Passionnant ! Fascinating ! On est dans un modèle nouveau, la vision est brouillée, la distorsion fait loi...
Trente minutes d'entretien à écouter ici :
Guillaume de la Tour avait lancé l'invitation comme une boutade : « Viens nous voir dans la Silicon Valley ! C'est important, tu verras comment on y travaille. »
Puis, tout doucement, le voyage a pris forme.
Avec cet inattendu contact iranien, ceux plus évidents des sociétés incontournables, des adresses prestigieuses, quelques connections amusantes...
Il n'est pas anodin de rappeler que, véritablement, à chaque coin de rue (voire dans de nombreux garages) les nouvelles technologies se pensent, s'imaginent toujours et encore.
La Silicon Valley s'est maintenant étendue géographiquement et elle continue de faire puissamment rêver. D'ailleurs, de nombreuses villes européennes ou orientales souhaiteraient reproduire ce modèle unique en son genre.
A proximité du logement Airbnb où nous séjournions dans le quartier Soma à San Francisco entre la 7e et la 8e rue, un jardin communautaire riche en fleurs et oiseaux nous a gentiment nargué lors de nos nombreux déplacements.
Le dernier jour, la porte nous a été ouverte par une jeune femme avec une fleur dans les cheveux…
Simplicité et bienveillance au cœur de l'effervescence high-tech, apaisant spectacle de voir d'innombrables et improbables plantes se moquer de l'asphalte…
If you're going to San Francisco / Be sure to wear some flowers in your hair.”
Si tu vas à San Francisco, mets des fleurs dans tes cheveux disait la chanson de Scott McKenzie qui en 1967 devint l'hymne du Summer of Love et du mouvement hippie, dont l'épicentre se trouvait dans le quartier de Haight-Ashbury, à San Francisco.
« If you're going to San Francisco / You're gonna meet some gentle people there… »
(Si tu vas à San Francisco, tu rencontreras des gens gentils).
Ce fut le cas…
Petite liste de lecture suggérée par George Nahon :
"The hard thing about hard things, BenHorowitz aux éditions HarperBusiness
iWoz: Computer Geek to Cult Icon: How I Invented the Personal Computer, Co-Founded Apple, and Had Fun Doing It… Steve Wozniak aux éditions W. W. Norton & Company
The Signal and the Noise : Why So Many Predictions Fail — but Some Don't, Nate Silver, aux éditions Penguin Press
The Second Machine Age: Work, Progress, and Prosperity in a Time of Brilliant Technologies Brynjolfsson et McAfee, aux éditions W. W. Norton & Company
Thinking, Fast and Slow, Daniel Kahneman aux éditions Farrar, Straus and Giroux
Automate This: How Algorithms Came to Rule Our World, Christopher Steiner, aux éditions Portfolio
The Power of Habit: Why We Do What We Do in Life and Business, Charles Duhigg aux éditions Random House Trade Paperbacks
What the Dormouse Said: How the Sixties Counterculture Shaped the Personal Computer Industry, John Markoff aux éditions Penguin Books
Cooked: A Natural History of Transformation, Michael Pollan aux éditions Penguin Books
© 2014
Texte, sons et photos : Thomas Bourdeau, Service Nouveaux Médias à France Médias Monde
Coordination éditoriale : Latifa Mouaoued, RFI
Conception, graphisme et développement : Studio Graphique France Médias Monde
Intégration : Jérôme Carré