Cette famille vit dans une zone rurale de l’Etat du Madhya Pradesh, au sud du grand plateau central de l’Inde, entre le bassin du Gange et celui de la vallée de la Narmada. Ils ont eu six enfants, mais trois seulement vivent encore avec eux. Lorsque la grand-mère a perdu son mari, elle est revenue vivre avec son fils. Habitués à gérer le quotidien dans une logique d'autosubsistance, les parents parviennent difficilement à nourrir la famille avec leur exploitation. Ils n'ont pas accès à l'irrigation et les fréquents épisodes de sécheresse mettent en péril leur production agricole.

Face à ces difficultés, comme toutes les familles en zone rurale, dans ce pays à forte densité, de population, ils ne sont pas isolés. Ils bénéficient d'un important réseau de solidarités, mais aussi de travaux collectifs dans leur communauté. S'y ajoute une forte solidarité familiale issue des valeurs traditionnelles respectées par tous les membres de la famille.

Quelle transition énergétique pour cette famille ?

Cette famille aux valeurs traditionnelles est totalement dépendante des éléments naturels.

Un handicap pour son désir d’accéder à de meilleures conditions de vie, à une amélioration de ses conditions alimentaires et sanitaires, et à un accès à l’éducation pour les enfants. De plus en plus sensible à la dégradation de l’environnement et aux effets du changement climatique, la famille rurale indienne devient attentive à réduire les gaspillages, et s’investit peu à peu dans la protection de l’environnement.

Emissions de dioxyde de carbone (en tonnes équivalent CO2)
par personne de la famille rurale indienne en 2015



En 2015, cette famille génère 0,7 t de CO2 par personne par an, ce qui est en deçà de l’émission moyenne ( 1,1 t de CO2 par personne par an ) pour contenir le réchauffement climatique à 2°C en 2050.

L’Inde, un pays à la fois émergent et en développement, dépendant des énergies fossiles


Emissions de CO2 par pays et par habitant


Si on considère les émissions globales de CO2 par pays
, sur les 216 recensés, les trois pays les plus pollueurs sont la Chine, les Etats-Unis et l’Inde. L’Allemagne les talonne de près en 6e position, la France est placée en 17e position, l’Algérie en 34e position, le Pérou en 50e position et le Sénégal en 106e position.




Un mode de vie en autosubsistance qui s’appuie sur la solidarité


Ferme de la région de Burhanpur, Etat de Madhya Pradesh, Inde.


Cette famille habite une maison qu’ils ont construite eux-mêmes et cultive un petit lopin de terre, d’un peu moins d’un hectare, sans irrigation qui permet tout juste d’alimenter la famille dans une logique d’autosubsistance. Elle ne consomme pas beaucoup et recycle le peu de déchets organiques qu’elle produit.

Leur alimentation est, comme la plupart des familles en Inde, essentiellement à base de légumes riches en protéines telles que les lentilles et pois chiches. Ils consomment peu de viande, essentiellement du mouton et du poulet.

Dans les années 2020, cette famille bénéficie d’un programme gouvernemental prévoyant la construction de maisons à prix abordables, type « affordable made in India housing  ». La famille rurale pourra ainsi accéder à une nouvelle maison avec ossature béton et murs en terre cuite traditionnelle. Plus isolant et moins consommateur d’énergie bioclimatique, cet habitat possédera des systèmes de conservation et de maintien au froid à disposition inspiré des doubles enceintes en argile.




Le programme "Housing for all by 2022"
En juin 2015, le Premier ministre indien Narendra Modi a lancé le projet « Housing for all by 2022 ». Afin d'atteindre les objectifs fixés par ce programme, le gouvernement devra construire plus de 2,5 millions de maisons par an d'ici 2022, ce qui représente 30 fois le taux actuel de développement de nouvelles maisons. L’accessibilité pour tous à un logement sera ainsi largement mise en place en 2022 et continuera jusqu'en 2050. La construction de ces habitations est prévue dans toutes les régions de l’Inde.



L’absence de tout dispositif de protection sociale et de retraite se traduit par la prise en charge de la grand-mère, qui aide pour les tâches ménagères et l’éducation des enfants.

En 2030, les parents ont à prendre en charge et à soigner la grand-mère. Mais même sans retraite, une grande partie de leurs soins sont pris en charge puisqu’ils se rendent au dispensaire du village voisin bénéficiant d’aides de l’Etat et d’ONG. Ces services ont fait de grands progrès au niveau des soins dentaires.

Une activité d’artisanat avec la communauté (couture et poterie) dont ils arrivent à vendre la production sur un réseau internet de commerce équitable, leur a permis d’avoir des revenus complémentaires.



La coopérative agricole, une aide au développement


Récolte de soja, ferme de la région de Burhanpur, Madhya Pradesh, Inde.


Pour parer à la dégradation des sols, une attention importante est portée au retour de la matière organique au sol et à la mise en jachère.
Dès lors, les rendements agricoles s’améliorent. La famille peut écouler au marché de la ville voisine une partie de sa production et intègre une coopérative. Le « collective farming » est une tendance en Inde qui va se répandre de plus en plus d’ici 2030, permettant d’accéder à des terrains plus vastes et de louer du matériel agricole grâce à un microcrédit. La coopérative s’est organisée pour acheter leurs semences. Cette famille est sensibilisée par les associations aux questions de santé en cohérence avec la culture ancienne du pays.

Ils produisent dans leur potager des légumes, ce qui leur permet d’avoir une alimentation plus équilibrée, grâce à des semences bien adaptées fournies à travers le programme agronomique national.

Après 2030, la réalisation d’une installation de production de biogaz à partir des déchets agricoles et des déchets alimentaires permet de remplacer le bois de feu pour la cuisson et donc de se libérer de la pénible corvée de bois.

Corvée de bois, région du Bengale, Inde.


Cette famille fait l’objet d’un soutien en conseils agronomiques pour assurer un équilibre des sols par le retour de la matière organique à partir des déchets. En 2050, la coopération est très développée et ils vendent dans plusieurs villages à présent. Ils sont surtout autosuffisants, car leurs semences se renouvellent. Ils continuent à échanger des graines, mais ces dernières sont renouvelables.




L’irrigation subventionnée par l’Etat


Si cette famille ne dispose pas encore de l’irrigation, d’autres agriculteurs en bénéficient. A la fin des années 2010, les réseaux de distribution d’eau et d’électricité se sont développés et l’Etat subventionne beaucoup de programmes pour les agriculteurs. Par exemple, si la pompe à irrigation est connectée au réseau et placée dans le champ, le gouvernement s’engage à ce que l’électricité utilisée pour la faire fonctionner soit gratuite. Il leur faut néanmoins éviter les gaspillages d’eau, assez fréquents. Une attention à la qualité de l’eau est l’une des priorités sociale et sanitaire du pays.



Dans les années 2010, le gouvernement indien a lancé un vaste projet visant à remplacer les anciennes pompes polluantes par des pompes alimentées par des panneaux solaires photovoltaïques.

En 2030, la famille rurale est maintenant, elle aussi, équipée d’un système photovoltaïque qui lui donne l’accès à l’irrigation et alimente d’autres petits appareils agricoles, tels qu’une meule.




La transition vers les énergies renouvelables

En 2010, le bois de feu est leur principale source d'énergie. Mais la mère et les enfants doivent parcourir des distances qui augmentent chaque année pour récupérer du bois, tant la déforestation progresse  sous la pression d’une population croissante. La superficie occupée par la forêt a ainsi diminué de moitié, les forêts absorbent cependant actuellement plus de carbone qu’elles n’en émettent.

Zone de déforestation, nord-est de l'Inde.


Dès 2020, la famille rurale indienne est équipée de panneaux photovoltaïques qui permettent d’abord d’assurer les besoins de base : l'éclairage, la recharge de téléphones mobiles, puis la télévision et quelques petits équipements électroménagers ou productifs. Ils bénéficient de ces nouveaux équipements grâce à un programme mené par une ONG et au soutien du gouvernement qui équipe des foyers ruraux en panneaux solaires.

Les jeunes ont désormais un téléphone portable chacun. La famille a aussi besoin d’être reliée via un équipement informatique et un accès internet pour avoir plus de contacts avec les citadins, ce qui atténue l’aspiration à l’exode rural des jeunes. Ils peuvent désormais accéder plus facilement à des crédits, des soutiens d’ONG, à des formations à l’adaptation climatique et à la gestion financière de l’exploitation. C'est ce qui leur a permis de développer leur AMAP, Association pour le maintien d'une agriculture paysanne. Ils connaîtront aussi des améliorations importantes côté santé grâce à la télémédecine.

Les enfants bénéficient d'une meilleure intégration scolaire et utilisent, de la même façon que les adultes, des Moocs .

En 2050, l’Inde doit, pour s’inscrire dans un réchauffement contenu en dessous de 2° C, passer massivement aux énergies renouvelables et réduire progressivement sa consommation actuelle de charbon. Sa forte densité de population rend difficile d'assurer l’essentiel de sa production d’énergie à partir du solaire de l’éolien, de l’hydraulique et la valorisation des déchets.




Solidarités et vie sociale très dense

Ils ne voyagent pas, mais ont une vie sociale très dense, principalement avec leurs voisins et leur famille. Beaucoup de fêtes de famille sont célébrées à l’occasion des décès, naissances, mariages qui sont peu nombreux, car trop chers, sans oublier les festivals sacrés et les travaux communautaires qui alimentent les solidarités. Cela prend aussi la forme d’une participation forte à la vie culturelle à travers les chants, les danses, la projection de l’abondante production cinématographique indienne.
Ils se déplacent peu, principalement pour aller au marché ou à l’école, dans un rayon de 10km. Cette famille n’a pas de véhicule personnel. A partir de 2030, elle utilise plus fréquemment la camionnette en autopartage de sa communauté villageoise pour vendre leur production.


Evolution de l’usage du mode de transport
(Emissions de gaz à effet de serre en kg équivalent CO2 par famille)

Bus, vélo, moto
Travail : 203 kg
Loisirs, vacances : 6 kg

Vélo, bus, petite camionnette
Travail : 167 kg
Loisirs, vacances : 32 kg

Vélo, bus, petite camionnette
Travail : 368 kg
Loisirs, vacances : 248 kg



Les incertitudes de l’évolution du climat


L’Inde est l’un des pays les plus vulnérables aux effets des changements climatiques, du fait de la montée des eaux, du changement de régime des fleuves qui viennent de l’Himalaya, de l’aggravation des sécheresses en période sèche et des irrégularités de la mousson.

Les conditions de vie de la population rurale sont très dépendantes de la pluviométrie, avec en cas de sécheresse de grandes difficultés les années de disette. L’habitat bioclimatique leur permet de résister aux vagues de chaleur de plus en plus fréquente, mais l’eau reste un gros souci, il ne faut pas la gaspiller. D’être passé à des cultures traditionnelles résistantes leur a sauvé la mise par rapport à ceux qui sont restés sur les cultures commerciales qui n’ont pas pu résister aux sécheresses.

En 2050, l’Inde est très vulnérable au changement climatique. Cette famille est exposée aux incertitudes futures de l’évolution du climat. Des vents chauds d’ouest en est venant du désert du Thar à la frontière du Pakistan et de l’Inde risquant de générer des sécheresses graves pour l’agriculture et des variations de la mousson avec des pluies potentiellement destructrices.

Des jeunes Indiens marchent sur le lit d'une rivière asséchée.



L’adaptation au changement climatique


Cette famille sédentaire, vivant en autosubsistance, reste peu émettrice de CO2. Ses émissions sont essentiellement dues à l’utilisation du bois de feu pour la cuisson et l’eau chaude sanitaire. Ce mode de vie participe à la déforestation et contribue fortement aux émissions de CO2 du pays.

Si à partir de 2030, ses conditions de vie s’améliorent, par l’acquisition d’un équipement ménager et l’utilisation de transports en commun de plus en plus performants et moins pollueurs, sa consommation d’énergie reste modeste. En 2050, cette famille n’utilise pas d’énergie pour le chauffage, par contre en 2050, elle s’équipe d’une climatisation avec une pompe à chaleur sur air extérieur.

Cette famille réussit à améliorer son niveau de vie, tout en conservant des émissions faibles de CO2, en deçà du chiffre plafond d’émission moyenne pour contenir le réchauffement climatique à 2°C en 2050.


Evolution des émissions de dioxyde de carbone (en tonnes équivalent CO2)
par personne de la famille rurale indienne

Graphique : Emissions de gaz à effet de serre par personne pour la famille aisée urbaine

L’émission moyenne pour atteindre le chiffre plafond en 2050 est de 1,1 t de dioxyde de carbone équivalent CO2 par personne par an.


La réduction des émissions de gaz à effet de serre pourra être obtenue pour cette famille par notamment :

Les politiques publiques nécessaires à l’amélioration des conditions de vie de cette famille :