HÉRITAGE
Nelson Mandela est, avec Gandhi, « l’un des deux plus indiscutables magnifiques personnages du dernier millénaire », selon l’écrivaine sud-africaine Nadine Gordimer. Héros de la lutte anti-apartheid, « icône mondiale de la réconciliation » et père de la démocratie sud-africaine, Mandela est quasiment un saint dans l’imagination populaire.

« S'il nous quitte (...), nous savons tous, je pense, que son héritage est un de ceux qui traverseront les âges », a déclaré Barack Obama à Dakar, le 27 juin 2013.

|  Frederik De Klerk, ancien président d’Afrique du Sud

Jour de la remise des diplômes pour les étudiants de Bloemfontein. © Per-Anders Pettersson / Getty images




La nation arc-en-ciel


Mandela affiche dès son discours d'investiture en 1994 sa volonté de bâtir une « Nation arc-en-ciel en paix avec elle-même et le monde ». Il a su transformer un pays déchiré en une démocratie multiraciale et stable, établie sur le principe du « one man, one vote ».

L’Afrique du Sud est aujourd’hui complètement différente de celle que Mandela a trouvée à sa sortie de prison en 1990, mais des inégalités sociales, stigmates de l’apartheid, subsistent encore. Et si le programme d'émancipation économique des Noirs a fait émerger une classe moyenne multiraciale inexistante sous l'apartheid, l’Afrique du Sud demeure l’un des pays les plus inégalitaires au monde.

De nombreux problèmes persistent : de fortes inégalités sociales, la résurgence de problèmes raciaux et les ravages du sida (près d’un adulte sur cinq est séropositif).
Plus de la moitié (61,9%) de la population noire sud-africaine vit sous le seuil de pauvreté. Ce taux est de 1,2% chez les Blancs. Les héritiers accusent Madiba d’avoir trahi son peuple et de s’être vendu aux Blancs. La réforme agraire de 1994 (Restitution of Land Act) est un échec. Elle s’était donnée pour objectif, en 2011, de redistribuer 30% des terres confisquées par la colonisation et l’apartheid, mais à ce jour seulement 5% l’ont été.

Malgré l’abolition de la ségrégation, les revenus des Blancs progressent toujours deux fois plus que ceux des Noirs, et le chômage y est toujours cinq fois plus élevé chez les Noirs que chez les Blancs.

Vingt ans après l'abolition des lois de « développement séparé », les villes sud-africaines sont encore très largement divisées entre les « races » comme le montre le travail du cartographe Adrian Frith.

Le clan

Nelson Mandela entouré de ses petits-enfants lors de son anniversaire à Qunu le 18 juillet 2008. © Themba Hadebe/AFP


Celui que les Sud-Africains appellent affectueusement «Madiba» s’est marié trois fois, il a eu au total six enfants ; quatre avec sa première épouse, Evelyn Ntoko Mase et deux avec Winnie Mandela (1932-2018). Apparemment unie, la grande famille de Nelson Mandela n’échappe pas aux difficultés souvent rencontrées dans les familles recomposées. Divisés en deux clans rivaux, enfants et arrière-petits-enfants se sont disputés âprement les biens de leur illustre ascendant. Son ex-épouse Winnie Mandela, qui réclamait la maison familiale de Qunu, a été déboutée en appel au mois de janvier 2018.

Ce n’est pas la première fois que la famille Mandela fait appel à la justice pour régler ses différends. Pendant l’hospitalisation de Nelson Mandela, en juin 2013, la famille s’est déchirée sur le lieu de sépulture de celui-ci, donnant un triste spectacle aux Sud-Africains.

Les dernières volontés de Nelson Mandela ont été rendues publiques en mai 2016. Dans son testament, l'icône de la lutte anti-apartheid a légué une partie de sa fortune personnelle à 40 bénéficiaires, dont des employés de maison. C'est un total de 22 millions de rands, soit un peu plus de 1,2 million d'euros.

L’ANC

Le leader de l'ANC et président sud-africain Jacob Zuma (à droite), devant ses supporters, lors d'un meeting à Johannesburg avant les élections municipales du 3 août 2016. © Siphiwe Sibeko/Reuters


Arrivé au pouvoir lors des premières élections générales multiraciales en 1994, le Congrès national africain (ANC) a placé 4 présidents : Nelson Mandela (1994), Thabo Mbeki (1999), Jacob Zuma (2008) et Cyril Ramaphosa (2018). Depuis le départ de Mandela, la corruption, les scandales, les luttes fratricides et un bilan économique médiocre ternissent l’image de l’ANC et nourrissent une profonde désillusion chez les jeunes et les plus pauvres. Les deux mandats de Mbeki ont été entachés par un scandale de corruption lié à des ventes de frégates et par son déni de la menace du sida. Jacob Zuma, populiste polygame, discrédité par une affaire de viol et des scandales de corruption, démissionne de la présidence de la République le 14 février 2018, sous la pression de l’ANC. Cyril Ramaphosa, élu à la tête de l’ANC en décembre 2017 et vice- président de Jacob Zuma, lui succède.

Les dissidents

En octobre 2015, des dizaines de milliers de partisans de Julius Malema manifestaient contre la politique libérale du gouvernement, à Johannesburg. © Karel Prinsloo/AFP


Le Le Congrès du peuple (Congress of the People - Cope), . parti dissident de l'ANC, est fondé en 2008 par des amis de Thabo Mbeki, l'ancien président sud-africain écarté par la direction de l'ANC. Le président du Cope est Mosiuoa Lekota, ex-ministre de la Défense.

Julius Malema, ex-président de la Ligue de jeunesse de l’ANC, exclu en avril 2012, crée Economic Freedom Fighters (EFF) en rassemblant ses supporters à Marikana, lieu symbolique depuis le massacre de 2012. C’est un fervent critique de l'ancien président Jacob Zuma et de son gouvernement, qu’il accuse de corruption. Son parti, l'EFF, est devenu le troisième du pays en nombre de députés à l'Assemblée nationale.

Mamphela Ramphele , figure de la lutte anti-apartheid et ancienne compagne de Steve Biko (fondateur du Mouvement conscience noire, assassiné en détention en 1977), a pris ses distances avec l’ANC et crée Agang South Africa (« Construire l’Afrique du Sud »). Après avoir bénéficié du soutien de l'archevêque et Prix Nobel de la paix Desmond Tutu, qui avait déclaré qu’il ne voterait plus pour l’ANC, Manphela Ramphele se retire de la vie politique le 8 juillet 2014, suite à un conflit interne au sein de son parti.

South Africa First (SAF) a été créé en avril 2013 par les membres expulsés de l'ancienne aile militaire de l'ANC Umkhonto Wesizwe (MK) qui estiment que leur parti d’origine a perdu les valeurs de la lutte contre l’apartheid.