Le jeune couple vit au centre d’Akbou, une ville industrielle d’une région du nord de l'Algérie, à l'est d'Alger. Lui est technicien dans le bâtiment et désire accéder à des savoir-faire techniques supplémentaires, elle est assistante commerciale et envisage de passer un concours pour devenir institutrice.
Ils habitent un appartement de deux pièces, équipé d’une petite salle d’eau, avec douche, WC, et une petite cuisine. Leur cadre de vie est assez agréable, les deux jeunes disposent de l’ensemble des services essentiels dont ils ont besoin. Ils ont une machine à laver, un four à micro-ondes, un frigo et un aspirateur.
Quelle transition énergétique pour cette famille ?
Avec peu de moyens financiers, ils ont un
faible niveau de consommation. Le mode de vie de ce couple de jeunes a une incidence limitée sur l’environnement. Ils font partie d'une génération, majoritaire dans le pays, qui s'inscrit dans une culture internationale à travers les médias, internet et les réseaux sociaux. Ils sont à l’écoute du monde, de ses évolutions et de ses opportunités. Ils
aspirent à de meilleures conditions de vie.
La question qui se pose à eux est celle du rôle de cette génération dans un pays qui va devoir effectuer à la fois une transition énergétique et
réorienter son économie vers d’autres activités que la production d’hydrocarbures.
Emissions de dioxyde de carbone (en tonnes équivalent CO2)
par personne de la famille jeune et modeste algérienne en 2015
L’Algérie n’a pas fait connaître de façon détaillée ses émissions sur les gaz autres que le CO2. Si on compte le CO2 seulement, pour contenir le réchauffement climatique à 2°C
en 2050, le chiffre plafond est de 1,1 t de CO2 par personne par an.
Les émissions de CO2 du jeune couple sont proches du chiffre plafond et reflètent des
conditions de vie modeste. Ce jeune couple n’est pas représentatif de la société algérienne très consumériste.
La jeunesse algérienne, actrice de premier plan de la transition énergétique
Emissions de CO2 par pays et par habitant
Si on considère les émissions globales de CO2 par pays, sur les 216 recensés, les trois pays les plus pollueurs sont la Chine, les Etats-Unis et l’Inde. L’Allemagne les talonne de près en 6e position, la France est placée en 17e position, l’Algérie en 34e position, le Pérou en 50e position et le Sénégal en 106e position.
Un logement social en pleine mutation
Le secteur résidentiel a connu une
croissance de 67% entre 2000 et 2009. Cette hausse s’explique par l’introduction de nouveaux usages dans les foyers et la généralisation des multi-équipements : TV ordinateurs, sèche-linge, micro-onde, climatisation. La hausse est également entraînée par la
tendance à la décohabitation. Ce phénomène social, attribué à l'individualisme croissant des sociétés occidentales, touche les familles dont les membres, autrefois cohabitants, vivent de plus en plus souvent séparément.
Dès 2015, ce jeune couple aux revenus modestes a pu louer un logement social d’environ 35m², de construction récente, attribué suivant des critères sociaux. La ville d’Akbou compte 52.000 habitants, dans la
wilaya de Bejaïa à 290 m d’altitude. Située entre Bejaïa et Bouira, la ville a grossi rapidement, avec un
urbanisme peu maîtrisé, mais un important volume de constructions au début du siècle, pour faire face à l’augmentation des besoins.
En 2030, quand il fait vraiment chaud, l’appartement n’est plus très confortable, d’où les travaux d’isolation de toiture et de pose de pare-soleil qui ont été réalisés en 2025. Mais ils n’ont pas les moyens d’
installer un climatiseur.
Dans l’avenir, ce couple souhaite
construire sa maison, ou agrandir celle des parents, une maison kabyle familiale traditionnelle. C’est une maison efficace du point de vue énergétique, et n’ayant pas besoin de climatisation. Le couple aimerait l’agrandir en intégrant des équipements de confort et en installant des
panneaux solaires.
Des jeunes hyperconnectés à moindre coût
Leur équipement est composé d’une télévision à écran plat et de deux smartphones. Ce couple fait partie d'une génération, majoritaire dans le pays, qui s'inscrit en 2015 dans une culture internationale à travers les médias, internet, les réseaux sociaux, qui les placent
à l’écoute du monde, de ses évolutions et des opportunités.
En 2030, ils ont un boîtier internet chez eux ce qui leur permet de communiquer plus souvent avec leur famille, réseaux d’amis, et connaissances. Ils se forment, s’informent en continu via
les plateformes et réseaux de savoirs.
Ils achètent des équipements en pièces détachées et des produits d’occasion, une solution à moindre coût. Lui fréquente des
ateliers de réparation et de recyclage d’appareils électroniques. Ils ont chacun un fairphone, un téléphone plus sobre en ressources que les smartphones en vogue. Féru de jeux en réseaux, il joue régulièrement, en moyenne une dizaine d’heures par semaine.
En 2050, ils sont
toujours aussi connectés. La maîtrise des outils informatiques et de communication s’est accrue. Dans l’avenir, les fairphones sont plus répandus et accessibles à tous.
Une garde-robe écolo
Tous les deux ne font pas trop attention à leur garde-robe. Quelques marques algériennes sont apparues et proposent une offre de vêtements adaptés à leurs attentes. Ces marques misent sur des
matières locales et/ou biologiques. Ces vêtements sont portés par des jeunes plutôt ouverts sur le monde. Par ailleurs, elle utilise des sites de revente, vide-dressing pour échanger les vêtements, vendre et acheter.
De nouvelles opportunités dans le travail
Après avoir fait
des études scientifiques à l’Université de Bouira, ils ont chacun trouvé un emploi. Mais celui-ci ne correspondant pas à leur niveau d’études, ils souhaitent évoluer tous deux professionnellement. C’est la seule solution pour
vivre bien ici, plutôt que d’émigrer. Le taux de chômage des jeunes est important (25%), notamment depuis la baisse du prix du pétrole et du gaz, principales sources de richesse du pays.
En 2030, ce couple s’adapte au
contexte économique du pays et se réoriente vers des filières où il y a de l’emploi : le bâtiment et le commerce. Après quelques cours, il apprend sur le tas. Il se dit que le bâtiment est un secteur porteur, les demandes de la population vont augmenter pour faire face aux grandes chaleurs. Il décide de se spécialiser dans l’
écoconstruction.
L’écoconstruction a pour objectif de réaliser des bâtiments les moins polluants possible, depuis la conception du bâtiment, à sa construction, puis son entretien jusqu’à sa destruction. Le choix des matériaux est primordial, les maisons en bois en sont un exemple.
La réalisation d’une écoconstruction se fait en prenant en compte des techniques de développement durable, en utilisant le minimum d’énergie fossile et en privilégiant des énergies durables telle l’énergie solaire.
Sa femme est secrétaire à mi-temps dans une entreprise de
gestion des déchets. Un emploi intéressant, mais précaire. Elle reprend des études à l’université en pédagogie et s'est inscrite à un
système de formation en ligne.
En 2050, il suit une formation mise en place en lien avec la Maison de l’environnement de Bejaïa, dans le cadre du plan climat de la Wilaya. Dans quelques années, il pourra devenir chef de chantier. Il sera plus mobile également. Ce pourrait être l’occasion de se détacher de la ville et de
rejoindre la zone rurale avec sa compagne, devenue institutrice.
En ville à bicyclette
En 2015, le secteur des transports est dominé par les
véhicules individuels. En 2030, il va travailler en vélo, mais la plupart du temps, il se rend avec ses collègues sur les chantiers avec la
camionnette d’entreprise, qui roule au GPL.
Sa compagne travaille dans la ville nouvelle. Elle y va en vélo, mais préfère le bus quand elle n’est pas bien réveillée. Les trajets sont plus sécurisés depuis la
mise en place des pistes cyclables. Pour ces deux jeunes, les déplacements en vélo, c’est un peu leur entrainement sportif de la semaine !
Ils font leurs courses à pied ou en bus. Elle s’est inscrite à un commerce communautaire dans son quartier, un point de vente pour les produits labellisés de la région ou des régions limitrophes.
En 2050, le
marché communautaire est devenu nettement plus important et le couple s’y procure 70% de ses produits alimentaires.
Il se rend à sa formation en bus et pour ses déplacements sur les chantiers, il privilégie le covoiturage ou utilise la camionnette de la société.
Evolution de l’usage du mode de transport
(Emissions de gaz à effet de serre en kg équivalent CO2 par famille)
Vélo, bus
Travail :
436 kg
Loisirs, vacances :
612 kg
Vélo, camionnette GPL, bus GPL
Travail :
176 kg
Loisirs, vacances :
41 kg
Vélo, camionnette GPL, bus GPL, covoiturage
Travail :
229 kg
Loisirs, vacances :
76 kg
L’eau, une ressource précieuse
L’Algérie est
très vulnérable au changement climatique. Elle a subi une perte d’un tiers de la pluviométrie et une forte dégradation des sols du fait du déboisement, de surpâturage et de l’extension des villes et des infrastructures. Avec pour conséquence un processus continu de désertification qui n’a pas été suffisamment combattu.
Le jeune couple est très conscient que l’agriculture est essentielle pour
le futur de l’Algérie alors que sa population est en forte croissante.
En 2030, les parents de la jeune femme ont obtenu
un label pour leur culture oléicole. Ils ont pu ainsi conforter leur revenu, c’était la condition de leur maintien dans le bourg rural. Comme pour tant d’autres familles, les épisodes de sécheresse sont difficiles à surmonter.
La revalorisation des sols est devenue indispensable, par des pratiques de fertilisation afin de restituer au sol la matière organique des déchets fermentescibles.
En 2050, le quartier comprend
de multiples espaces verts, dont un jardin partagé de plusieurs hectares. De nombreux arbres ont été plantés, pour verdir la ville et tenter de la rafraichir dans un contexte d’augmentation des températures. Des
systèmes de récupération d’eau ont été mis en place sur les immeubles et dans les espaces publics.
La préservation de l’environnement
Le jeune couple aime
la randonnée en montagne. Ils agissent avec une association pour la préservation de la faune et de la flore< dans le parc du Djurdjura, en lien avec les gardes du parc et les autorités locales : reconnaissance des espèces, publications, valorisation. Grâce aux outils de communication, ils ont développé une application de recensement des espèces, partagée avec les communautés locales. Si lui est sensible à l’écologie, elle l’est moins, surtout s’il faut contribuer volontairement. Leur association, intégrée dans
un réseau international d’échange de savoirs et de préservation de la faune et de la flore, a permis le reboisement de certaines zones, incendiées au début du siècle. Un succès qui a renforcé la motivation de la petite association en difficulté.
A cet horizon, le volume de déchets s’est réduit de 50% et le recyclage concerne 80% des déchets des ménages. Le tri s’est affiné. L’association dont ils sont membres s’est nettement impliquée pour soutenir et accélérer ces évolutions, en lien avec
les autorités locales et les associations de récupération, valorisation et recyclage.
Les jeunes, acteurs de la transition énergétique
Le jeune couple adopte un mode de vie qui
s’éloigne du consumérisme. Pour répondre aux défis de l’époque, il leur semble nécessaire de progresser vers une société sobre et résiliente. Ils souhaitent s’impliquer dans des
formes de consommation plus collaborative et communautaire, pratiquant notamment le partage d’équipements. Cette dynamique de partage et d’efficacité collective ne peut, selon eux, qu’avoir
des avantages économiques et assurer un mieux-être social.
Evolution des émissions de dioxyde de carbone (en tonnes équivalent CO2)
par personne de la famille jeune et modeste algérienne
Les consommations d’énergie et les émissions de CO2 de cette famille de jeunes aux conditions de vie modeste sont
stables sur toute la période.
Deux tendances se compensent en effet :
- Une amélioration de leurs conditions de vie : équipement électroménager, électronique de loisirs,
- Une réduction des consommations pour le chauffage et le rafraichissement, le passage des bus au gaz, une amélioration des services de transport en commun, l’utilisation du vélo pour aller travailler.
Au total,
les consommations restent donc assez faibles et les émissions dans un niveau acceptable, malgré la part importante des combustibles fossiles dans la production d’électricité.
Ville d'Akbou