ÉTHIOPIE
Les banques de semences rurales, 
 une ressource contre la famine

En Ethiopie, où la population a quintuplé en 60 ans, la souveraineté alimentaire est un sujet incontournable pour la survie future de la population. D’autant plus que ce pays est très affecté par le changement climatique.



La grande famine de 1984-1985, qui a suscité une mobilisation internationale sans précédent a aussi généré un changement de perspective. Cette famine a fait plus d’un million de morts en Ethiopie. Selon les scientifiques, le manque de variétés de semences multiples adaptées aux conditions climatiques changeantes a été un facteur majeur des mauvaises récoltes.

L'Ethiopie est aussi l'un des centres de l'agrobiodiversité, autrement dit un des lieux où l'humanité a sélectionné et diversifié les cultures au fil des millénaires, on y retrouve un grand nombre de variétés de chaque culture comme le blé, l'orge et le café. Cette diversité génétique est sa richesse et son assurance pour le futur.

Déjà au milieu des années 1970, l'Ethiopie avait décidé d'investir dans la biodiversité en fondant l'Institut de la biodiversité d'Addis-Abeba. C'était la première banque de semences en Afrique et elle n'a pas cessé de grandir : aujourd'hui, elle est un lieu incontournable de la recherche et de la pratique de la conservation, avec 75 000 types de semences qui y sont conservées, récoltées à travers tout le pays. La méthode de conservation est la même que la Réserve mondiale de semences du Svalbard, située sur l'île norvégienne du Spitsbergen destinée à conserver dans un lieu sécurisé des graines de toutes les cultures vivrières de la planète et ainsi de préserver la diversité génétique.

Stocker et gérer l'immense patrimoine de graines




La famine de 1984-1985 a démontré qu'avoir une banque centrale de semences, avec une capacité de réponse limitée et pas assez de stock, n'était pas suffisant en cas d'urgence. Un réseau de banques régionales a alors été créé. Elles sont plus petites, gérées directement par les paysans et en contact avec l’Institut de la biodiversité d'Addis-Abeba.

Parmi elles, celle de Cafee Doonsaa, sur le Haut Plateau à 200 kilomètres de la capitale, a été pionnière. Grâce au soutien de la Ethio-Organic Seed Action (EOSA), un organisme non gouvernemental qui promeut la biodiversité agricole et les programmes de sécurité semencière, ainsi que d'autres ONG internationales, à la suite de la famine, le patrimoine local de semences a été reconstruit. Asefa Bekele en est le charismatique chef, et aujourd'hui elle est indépendante de l'Institut de biodiversité. Ce sont en effet les membres de l'association qui produisent les variétés et quantités qui y sont stockées, pour se soutenir mutuellement en cas de mauvaise récolte.

Il existe aujourd’hui douze banques de semences réparties dans les régions les plus peuplées du pays. Elles fonctionnent sur le même modèle que le Réseau semences paysannes en France. Mais en Ethiopie, une banque rurale est aussi une protection contre la famine.

Une assurance contre la famine : la banque rurale de Cafee Doonsaa



L'Ethiopie, comme d'autres pays, doit relever le défi d'augmenter la récolte tout en respectant les pratiques des agriculteurs. C'est pour cela que l’Institut de la biodiversité d'Addis-Abeba garde un fort lien avec les associations paysannes rurales : les agriculteurs peuvent demander les graines stockées dans la banque, à la fois des variétés locales disparues, ou d'autres variétés qu'ils souhaitent tester.

Les agriculteurs éthiopiens préfèrent les variétés locales, car plus résistantes, par exemple le blé rouge. Et ils surveillent le marché grâce aux nouvelles technologies. Mais le défi reste de trouver une solution durable face à la croissance démographique, autrement dit, être capable de nourrir une population de plus en plus nombreuse.




Augmenter la productivité à tout prix ne nous emmène pas sur la voie du développement durable."
Gemedo Dalle

Gemedo Dalle est directeur général de l'Institut de la biodiversité d'Addis-Abeba, un rôle très important pour promouvoir une approche qu'il définit comme « holistique », c'est-à-dire où plusieurs dimensions (culturelle, scientifique, sociale, etc.) sont prises en compte pour répondre au défi démographique.

Les semences paysannes et industrielles : un futur ensemble ?




Alors, comment concilier ces exigences ? Le projet « Seeds For Needs », par exemple, combine les technologies génétiques et moléculaires les plus modernes, selon une méthode de recherche très attentive aux besoins et évaluations des petits agriculteurs. Ce projet initié par l’ONG Bioversity International a permis d'appliquer la recherche participative avec la sélection sur le terrain et la caractérisation génétique.

Grâce à la caractérisation génétique de quatre cents variétés de céréales en Ethiopie, une cinquantaine ont pu être sélectionnées qui semblent les plus adaptées aux conditions climatiques très variées du pays. Ce qui est important, c'est aussi que le projet a montré qu'en Ethiopie, plus de 20% des variétés traditionnelles avaient une meilleure performance que les variétés industrielles en termes de résistance à la sécheresse. Une variété a même produit une récolte 61% supérieure à la meilleure des graines industrielles.



La collaboration directe entre chercheurs et agriculteurs donne des espoirs.

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En France, pour mieux comprendre que passer au bio, ce n'est pas impossible.