Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les « Tirailleurs Sénégalais », issus de l’armée coloniale française ont âprement combattu, comme lors de la Première Guerre, pour défendre les couleurs du drapeau tricolore. A la Libération, la France ne leur accordera que de maigres droits et gèlera leurs pensions. Une fois rentrés en Afrique, ces hommes seront trop souvent oubliés de l’Histoire.
Pendant deux ans, Julien Masson a voyagé à travers le Sénégal et la France sur les traces de ces combattants africains, héros de l’ombre, trop longtemps méconnus.
M
on grand-père a été gazé durant la Seconde Guerre mondiale. Cela gênait son élocution. Il raclait sa gorge comme si quelque chose passait mal. Bloqué dans une cave, il avait dû escalader une montagne de cadavres pour échapper à l’asphyxie et retrouver l’air libre. Vosgien, il avait été jeté dans les premiers wagons de la déportation. J’ai grandi en lui posant des questions sur ses souvenirs douloureux. Je voulais comprendre la guerre des anonymes comme lui. À dix-sept ans, il avait vécu ce qu’aucun homme ne devrait vivre.
Moi, à dix-sept ans, contrairement à lui, j’avais la liberté de mes choix. J’ai quitté le lycée et tourné le dos à un avenir trop dessiné. J’ai fui vers le Bénin. Là, j’ai été adopté par une famille togolaise vivant dans un quartier populaire de Cotonou. Cette maison de fortune devint mon camp de base pour sillonner l’Afrique. Du nord du Niger au Congo, je foulais déserts et savanes à la rencontre de ses peuples et de leurs histoires. Durant des années j’ai côtoyé des réfugiés, des exilés, des victimes de guerres dont personne ne m’avait instruit. J’ai pris conscience des incommensurables inégalités. Mais quelque chose m’a frappé plus que tout : le désespoir des invisibles. Trop souvent au cours de mon voyage, j’ai affronté l’oubli. Comme si un voile épais recouvrait ceux à qui l’Histoire n’a pas daigné donner la parole.
Chacun de nous, à sa façon, a vécu la Seconde Guerre mondiale : racontée par les anciens, expliquée par les professeurs, exposée à la télévision. Un jour, j’ai appris l’existence d’anciens combattants africains qui se sont battus pendant la Seconde Guerre mondiale. Curieux, j’ai commencé à m’intéresser à eux. Je découvrais l’histoire de la « Force Noire », théorisée en 1910 par le colonel Charles Mangin, qui préconisait d’aller chercher des forces vives sur le continent africain. Non seulement, 300 000 à 350 000 Africains issus des colonies subsahariennes ont combattu pour la France en 39-45, selon l’historien Julien Fargettas, mais ils ont aussi participé aux boucheries de la Grande Guerre. On a appelé ces hommes les « Tirailleurs Sénégalais ».
On fleurit les tombes, on réchauffe le Soldat Inconnu. Vous mes frères obscurs, personne ne vous nomme. Léopold Sédar Senghor, Hosties noires, 1948
Le temps passe et précipite l’effacement de la mémoire. Avec inquiétude, je me suis demandé qui se souviendra des centaines de milliers d’Africains qui se sont battus pour la France durant cette fameuse guerre mondiale ? Qui retiendra que Brazzaville fut la capitale de la France Libre ? Qui saura encore que des milliers d’Africains débarquèrent sur les plages de Provence pour libérer le pays ? Qui se rappellera que 5 000 « indigènes » combattirent dans la Résistance ? Qui évoquera le courage de Mamadou Addi Bâ, de Charles N’Tchoréré et de Samba N’Dour ? Qui repensera aux destins de ces milliers d’anonymes qui quittèrent leur famille, leur foyer, leur terre pour éradiquer le fascisme en Europe. J’ai du mal à accepter que cette mémoire s’efface. Ma décision était prise : j’irai à leur rencontre, au Sénégal.
« Ils déroulent leurs souvenirs comme un parchemin »
A Dakar, j’établis mon bureau dans une cabane de pêcheur. Face à moi, Gorée apparaît à chaque levant comme un mirage sur l’océan, anamnèse des souffrances passées. Les eaux de la baie de Dakar charrient invariablement les pirogues des pêcheurs. Je pense, en les voyant, aux navires chargés d’esclaves, puis à ceux, remplis de tirailleurs, qui disparurent vers des horizons inconnus. Aujourd’hui, les “pateras” débordantes de migrants s’élancent avec le même fatalisme, sans grand espoir de retour.
Je me lance à la recherche des survivants de la Seconde Guerre mondiale. Là même où a été créé en 1857, le premier bataillon du corps des « Tirailleurs Sénégalais », par le Général Faidherbe, alors gouverneur du Sénégal. Il était initialement composé d’esclaves libérés qui gagnaient, en s’engageant, un statut. Dès lors et jusqu’aux indépendances des colonies françaises au début des années 1960, ils connurent toutes les guerres : de la conquête coloniale, dont ils furent l’un des piliers, jusqu’aux guerres d’Indochine et d’Algérie en passant par les deux conflits mondiaux.
Dès mon arrivée à Dakar, en 2014, je dois user de patience. Tous les jours, je vais à l’office national des anciens combattants. Je connais les us et coutumes de cette région du monde, mais je dois apprendre les codes de ces militaires qui, pour beaucoup, ont servi sous deux drapeaux. Ma volonté de raconter l’histoire de leurs aînés, notamment auprès des jeunes Français, me permet de gagner leur respect. Il en est de même auprès des historiens sénégalais comme français. Les portes s’ouvrent. J’engage toute mon âme. Chaque jour, je visite les reliefs du passé, je suscite des récits, je repousse mon ignorance en écoutant humblement ceux qui savent. Petit à petit se précisent les visages de ces jeunes hommes qui sont partis, un beau matin, par-delà les falaises de Dakar franchissant l’horizon. Je le devine, quelque part en face de ma cabane.
Je rencontre d’abord Issa Cissé. Son regard ne me quitte plus. Ses yeux bleus perçants forcent mes hésitations : je ne peux pas laisser ce visage et ce nom disparaître de la mémoire collective. Ce charismatique chef du quartier HLM 5, âgé de 95 ans, vit avec ses deux femmes et ses nombreux petits-enfants.
Un jour, après avoir mangé, au lieu de retourner au travail, je me suis engagé. Je n’avais rien dit à ma mère. C’était le 4 novembre 1942. Pourquoi me suis-je engagé ? Issa Cissé, 4ème RTS (Régiment de tirailleurs sénégalais)
Issa Cissé raconte son engagement dans l’armée le 4 novembre 1942
Issa Cissé a cédé aux sirènes de la France Libre, beaucoup d’autres n’étaient pas aussi volontaires. C’est le cas de Ndiogou Dieye, originaire de la région de Thiès, qui a servi en Afrique centrale, du Nord et au Levant de 1939 à 1945. Cet immense et vieil homme de 94 ans commence l’entretien avec une gratitude inattendue : « Merci de me donner l’occasion de me présenter ». C’est lourd de sens. Et d’ajouter: « Il n’est pas possible de refuser. Si le commandant en chef demande de recruter des militaires, le chef de canton recrute. On vient voir ton père et on lui dit : Ton fils, à partir de telle date, il vient avec nous. Tu ne peux pas refuser, c’est clair. Il y a des volontaires. Mais moi, je n’étais pas volontaire. »
Je vais jusque dans les campagnes les visiter. Je m’assieds aussi auprès de Matar Fall, Dahmane Diouf, Alioune Fall et Saïdou Sall qui étaient sur le front de 1939-1945. Puis, aux côtés de Samba Sall, Ndiogou Faye, Assane Diop, Saliou Dieng, qui, engagés sur la fin de la guerre, ont échappé aux campagnes d’Europe. Ils furent mobilisés sur d’autres théâtres d’opérations, en Afrique du Nord ou à Djibouti, avant d’être envoyés, une fois l’armistice signé, en Indochine.
Pour moi, ils déroulent leurs souvenirs comme un parchemin. Dévoilent le passé dans l’éloquence de leur vieillesse. Alioune Fall, caché derrière ses épaisses lunettes, tape sa canne au sol et pose ses mots sans demi-mesure. Il assène : « Je n’ai plus l’âge de mentir ni le temps de me taire. J’assume tout ce que je dis car c’est la vérité. » Tous les tirailleurs que j’ai rencontré insistent sur les précieux liens d’amitié qu’ils ont créé avec le peuple français. Alioune Fall, qui a participé au débarquement de Provence, dit souvent : « Tout ce que nous avons fait pour le peuple français, il le mérite. Mais l’État français, l’administration française, ce sont des salauds avec nous. Ils l’étaient et le sont toujours. Je n’ai pas peur de le dire. Mais le peuple français, lui, est formidable, exceptionnel. » Et il se souvient particulièrement de ses marraines de guerre avec lesquelles il a entretenu de longues correspondances.
| Alioune Fall, qui a participé au débarquement de Provence, raconte son rapport aux marraines de guerre
Il n’y a plus de racisme quand vos frères tombent côte à côte sur les champs de bataille. Nous étions ensemble, Africains et Français, et nous nous battions pour la même cause. Issa Cissé, ancien combattant africain de 1939-1945
Je me souviendrai toujours de ma rencontre avec Amadou Lamine Sow en décembre 2014. Sa tête repose sur son thorax. Il semble déjà éteint. Je lui chuchote ma volonté de raconter son histoire aux jeunes Français. Alors sa tête se relève, il prend sa respiration, et durant une heure et demie révèle ce que même sa famille n’a jamais entendu : des classes éprouvantes, un colonel raciste, puis le soulagement de partir à la guerre pour ne plus avoir affaire à lui. Amadou a alors servi dans la colonne Leclerc en Afrique puis en Normandie.
Chez lui comme tous les autres, je perçois beaucoup de colère. Ces combattants, fiers mais amers n’oublient pas la façon dont la France les a parfois traité. Dans son large boubou blanc, Amadou conclut : « Ça fait 300 ans que nous sommes ensemble. Ce que vous avez vécu, nous l’avons vécu. Nous n’avons pas de place dans votre histoire, pourtant nous l’avons écrite ensemble. Sans l’Afrique, la France ne serait pas ce qu’elle est. Chacun de nos peuples a apporté à l’autre. Arrêtez de mal considérer les Africains. Ce n’est plus possible. » Amadou Lamine Sow décédera quelques mois plus tard.
Le 30 novembre 2014, je participe à la commémoration des événements de « Thiaroye 44 ». François Hollande rend hommage aux victimes et remet symboliquement une copie des archives militaires françaises au président sénégalais Macky Sall. Dans la banlieue de Dakar, un cimetière de tombes blanches, vides de tout nom, symbolise le massacre perpétré en 1944 par l’armée française. Le premier contingent de tirailleurs venait de rentrer au pays. Ils réclament alors leurs arriérés et leurs soldes liées à leur captivité durant la guerre. À l’époque, l’administration française refuse de régler sa dette. Des incidents éclatent dans le camp de Thiaroye. À l’aube du 1er décembre 1944, l’armée et la gendarmerie françaises donnent l’assaut. Au moins soixante-dix hommes loyaux à la patrie sont exécutés et d’autres condamnés jusqu’à dix ans de prison. Il aura fallu attendre soixante-dix ans pour que la France reconnaisse sa responsabilité dans ces évènements tragiques. Mais nombreuses interrogations demeurent, sur le nombre exact de victimes, sur leur identité, sur ce qui s’est réellement passé, ce jour-là, à Thiaroye.
A 94 ans, Cheikh Fall peine à se redresser sur son lit mais il s’anime et élève la voix dès qu’il évoque son passé de tirailleur. Ses sourcils se froncent, et d’un air sévère, il s’offusque d’avoir été si mal traité par la France, lui qui a participé au débarquement de Provence. Et ce n’est pas la Légion d’Honneur dont il a été décoré par François Hollande le 15 août 2014 qui apaisera sa colère. Il s’en est allé quelques mois plus tard.
Ils sont venus nous chercher au village. Nous étions sept à partir. Je suis le seul à revenir. Une médaille… Voilà ce que nous avons après 70 ans. Ils ont gelé nos pensions combien de temps ? Je suis écoeuré. Cheikh Fall, 1er RAC AOF (Régiment d’Artillerie Coloniale de l’Afrique-Occidentale Française).
Cette question des pensions est régulièrement soulevée par tous ces hommes en mal de reconnaissance. Dès la fin de la guerre, les soldes, les pensions et autres arriérés sont un sujet difficile à traiter. Confrontés à une administration coloniale complexe et à la mauvaise volonté de l’Etat français, nombreux sont les anciens combattants qui ne toucheront jamais ni soldes, ni pensions. Déjà inégales à celles de leurs frères d’armes français, elles sont “cristallisées” soit gelées en 1959. S’engage alors un long combat que mènent de front les associations d’anciens combattants africains mais aussi français. Ces inégalités de traitement deviennent le symbole d’un combat pour la reconnaissance, parasitant parfois, le débat historique et politique. Décristallisés en 2006, les arriérés n’ont jamais été versés et l’amertume demeure. Lorsque l’indexation de la pension sur le coût de la vie du pays d’origine justifie la disparité, les anciens tirailleurs s’offusquent et s’interrogent : “La vie a-t-elle un prix ?” Ils me rappellent que sur le champ de bataille, la balle de l'ennemi ne distinguait pas le Blanc du Noir.
Pendant plus de six mois, j’ai écouté ces hommes venus combattre jusqu’en France pour notre liberté. Je les ai écouté comme j’écoutais mon grand-père. Avec la même passion, la même curiosité. Ces récits ont fait naître en moi un désir profond de leur rendre hommage mais aussi de mettre des images sur ces parcours et ces souvenirs. Pour cela, je décide de rentrer en France marcher dans leurs pas. Transpirer là où ils ont sué.
Fasciné par le récit de ceux d’entre eux qui ont débarqué en août 1944 sur les plages de Provence, j’emballe mon paquetage et me rends à Saint-Tropez. De là, je parcours près de 700 km à pied. Je dors à la belle étoile et chaque matin, je charge mon barda pour reprendre la route de la mémoire. Je longe donc les plages du débarquement de Provence, entre Fréjus et le Cap-Nègre, là où s’est engagée l’opération Anvil-Dragoon.
Alioune Fall raconte le débarquement de Provence
Je franchis ensuite le massif des Maures où se trouvait le maquis du même nom. Puis, je me dirige vers Toulon en m’orientant grâce aux indications précises d’Issa Cissé. L’ancien combattant m’accompagne partout. Son regard, son humour et sa façon de me raconter sa longue vie. Je crois qu’il me rappelle mon grand-père. J’ai pris son portrait avec moi. À chaque rencontre, je photographie des Français tenant fièrement dans leurs mains le visage de cet homme qui, à vingt ans à peine, s’est engagé volontairement pour libérer un autre peuple.
J’arrive à Toulon par le nord, gravissant le mont Coudon. Les mots d’Issa Cissé résonnent :
Il y a une montagne au-dessus de Toulon qu’on appelle Coudon. À deux kilomètres, on voit quelqu’un qui marche. Les Allemands sont en haut. On est en bas.
Issa Cissé raconte la libération de Toulon
Après quelques jours dans cette ville, symbole du débarquement et essentiellement libérée par les troupes venues d’Afrique, je file vers le nord. Je passe par le plateau de Siou Blanc où le 3ème régiment de tirailleurs algériens s’est regroupé avec les maquisards du Revest pour attaquer Toulon. Puis, je rejoins la route Napoléon qui relie Grenoble à Cannes. Je traverse le maquis de Fort-de-France dirigé par le Martiniquais Manfred. Je me recueille sur le lieu de son exécution. Viennent Digne-les-Bains, Sisteron et Gap. Chacun de mes pas, chacun de mes souffles me rapprochent d’eux, mais aussi de tous ces étrangers unis sur le sol de France pour libérer le pays. Enfin, je me hisse au sommet du massif du Vercors, fameuse citadelle de calcaire plantée en avant-garde des Alpes, dessinant la rive gauche de la vallée du Rhône. Et là me rejoint une classe de collégiens de Savoie. Un autre voyage commence.
« Les élèves entonnent à tue-tête le chant des Africains »
Ces jeunes ont suivi tout le périple et l’enquête. Ils ont même participé en questionnant, par le biais de vidéos, les anciens combattants et les historiens que je rencontrais. Nous découvrons ensemble le parcours des 53 tirailleurs sénégalais qui s’étaient évadés du « Frontstalag » de Lyon grâce au concours de quelques maquisards. Ils avaient alors créé « la section franche des tirailleurs du Vercors ». Proche du 11ème cuirassier, les tirailleurs combattirent lors de la terrible bataille du Vercors de juillet 44. Le 22 août, ils étaient auprès de leurs amis du maquis pour libérer Romans-sur-Isère. Leur lieutenant, Samba N’Dour tomba sous les balles ce jour-là. Il habitait à la Médina, quartier populaire de Dakar. Sa maison est toujours debout. Lui, n’est jamais rentré. Il ne laissa à la postérité qu’une plaque sur un muret à l’endroit même où il est mort pour la France. Les tirailleurs du Vercors rejoignirent ensuite les troupes de l’armée B qui remontaient la vallée du Rhône et participèrent à la libération de Lyon. Là s’est achevée leur guerre.
Durant tout le séjour, les élèves entonnent à tue-tête le chant des Africains et récitent les slams qu’une autre classe a composé. Après trois jours passés dans la peau des maquisards et à écouter les récits de la Résistance, ils se recueillent dans la nécropole de Vassieux. Ils honorent la mémoire des Résistants et de ces Africains dont ils découvrent le parcours.
| Lucas et Maxime, élèves du collège d’Ugine en Savoie récitent un slam composé en mémoire des tirailleurs sénégalais
Si je laisse sur le bord du chemin mon bâton de pèlerin après le Vercors, je n’abandonne pas ma quête. Quelques jours plus tard, je me recueille devant la plaque de Samba N’Dour. Et dans bien d’autres cimetières dans lesquels je cherche les noms d’Africains. Bien trop de mentions « Inconnu », « Sénégalais », « Indigène », sont gravées sur les tombes.
Je vais maintenant jusqu’à Strasbourg, là où le Général De Gaulle a ordonné le « blanchiment des troupes ». Sous prétexte du froid, il avait décrété le rapatriement des Noirs dans le sud. À leur place, de nouvelles recrues françaises et des résistants étaient incorporés. Par cette opération, le Général souhaitait contrôler les groupes de maquisards, notamment les communistes, en les enrôlant dans l’armée régulière. Une fois encore, j’ai le sentiment que les tirailleurs se sont fait voler leur morceau de gloire, comme balayés de l’estrade des vainqueurs.
L’historien sénégalais Mamadou Koné définit la notion de blanchiment des troupes
J’ai longé des cimetières, salué des monuments aux morts et repéré des champs de bataille. J’ai dormi avec les spectres de l’histoire de France. Il me faut faire une dernière chose avant d’achever ce voyage dans les plis et les remous de la mémoire : retourner à la Bresse, dans les Vosges, où mon grand-père a grandi. Là où il fut déporté lorsqu’il avait tout juste dix-sept ans. Je retrouve Michel, son frère, à qui j’expose mon voyage de deux ans, mes rencontres avec les anciens combattants africains. Et il me dit « Tous les jours nous les avons vus passer. Il y avait des tirailleurs, des goumiers, des tabors, ils montaient la colline. Jamais nous ne les avons vus redescendre. Ils sont allés au front. Ils sont morts pour nous. Ce sont eux qui nous ont libérés.»
À Issa Cissé, Cheikh Fall, Amadou Lamine Sow, Matar Fall, Saïdou Sall, Dahmane Diouf, Ndiogou Dieye.
À Mamadou Addi Bâ, Charles N’Tchoréré, Samba N’Dour et tous les Africains qui se sont battus pour notre liberté.
Pour aller plus loin, écoutez l’émission du magazine SI LOIN SI PROCHE :
Pour en savoir plus sur les Tirailleurs Sénégalais :
- Mémoires en marche. Sur les traces des tirailleurs sénégalais de 1939-1945, de Julien Masson, Editions Pas Sages
- Les tirailleurs sénégalais. Les soldats noirs entre légendes et réalités 1939-1945, Julien Fargettas, Editions Tallandier
- La Force noire : Gloire et infortunes d’une légende coloniale, d’Éric Deroo et Antoine Champeaux, Editions Tallandier
- La série de portraits, Frères d’armes, de Pascal Blanchard et Rachid Bouchareb
Le travail de Julien Masson a été réalisé avec le concours du festival du voyage et des découvertes partagées, Le Grand Bivouac d’Albertville, et de la Villa Marco Polo, la résidence pour jeunes voyageurs du festival.