APARTHEID
Le Parti National Afrikaner remporte les élections générales de mai 1948, auxquelles participent les Blancs et une petite partie des Noirs et Métis. Ce parti est dirigé par le pasteur Daniel Malan qui déclare vouloir « assurer la sécurité de la race blanche et de la civilisation chrétienne par le maintien honnête de l’apartheid ». La cohésion ethnique du peuple afrikaans reste menacée, selon Daniel Malan, par le « Swaartgevaar » (le péril noir). En 1950, les Noirs représentaient 8 millions de personnes soit 67 % de la population totale. Le gouvernement instaure rapidement une politique de stricte ségrégation raciale et le dote d'une légitimité juridique. L’apartheid n’est qu’en réalité l’aboutissement institutionnel d'une politique et d'une pratique jusque-là empirique de ségrégation raciale (Pass-laws , - Baasskap , « domination du maître » en afrikaans; et (colour bar , « barrière de couleur » en français). L’apartheid s’exercera jusqu’en 1991.

|  Ahmed Kathrada (ANC) raconte la campagne de désobéissance de 1952

« Que jamais, jamais plus ce pays magnifique ne revive l'expérience de l'oppression
des uns par les autres, ni ne souffre à nouveau l'indignité
d'être le paria du monde ».

En 1949, la loi interdit formellement le mariage mixte sur le territoire. Un an plus tard, cette loi est complétée par l’interdiction formelle des rapports sexuels mixtes. Et en 1968, cette interdiction s'étend jusqu'à l'invalidation des mariages contractés à l'étranger.

En 1950, le « Population Registration Act » classifie la population selon la race. Quatre groupes sont ainsi différenciés : les Noirs, les Métis, les Indiens et les Blancs d’origine européenne. Cette politique ségrégationniste a débuté dans les années 1930, sous le gouvernement Hertzog (1924-1939) qui souhaitait faire de l'Afrique du Sud une nation de Blancs, en concentrant les Noirs dans des réserves.

En 1953, le Parti communiste (SACP), désormais clandestin, collabore avec le Congrès national africain (ANC). L’ANC avait besoin de la SACP pour sortir du carcan racial. En 1955, le Congrès du peuple qui réunissait tous les mouvements qui voulaient mettre fin à l’apartheid (ANC, SACP, Congrès indien, Congrès métis, Congrès des démocrates blancs…) adopte la Charte de la Liberté, un texte de référence pour la mise en œuvre d’une Afrique du Sud multiraciale. Photo : En 1938, Sam Kahn est l’homme fort du Parti communiste. Il est élu au conseil municipal du Cap et au Parlement sud-africain (1943-1952).

Le gouvernement Verwoerd va plus loin avec le «Promotion of Bantu Self-Government Act» en créant en 1954 dix « nations noires » factices, les bantoustans. Il souhaite que ces « nations séparées » évoluent à leur rythme au sein ou au côté de l'Afrique du Sud « blanche » et accèdent à l’indépendance. Quatre bantoustans deviendront indépendants : le Transkei (1976), le Bophutatswana (1977), le Venda (1980) et le Ciskei (1981). Ces bantoustans sont surpeuplés et occupent 13 % de la superficie du pays, le reste étant réservé à la population blanche. Environ 3,5 millions de personnes seront déplacées vers les bantoustans entre 1960 et 1980.

Plusieurs millions de Noirs perdent la citoyenneté sud-africaine. En 1964, le Bantu Law Amendment Act prive les Noirs et les métis de leurs droits civiques en dehors des bantoustans.

« Si notre politique vis-à-vis des populations noires parvient à sa conclusion naturelle, il n'y aura plus un seul Noir avec la citoyenneté sud-africaine… Chaque homme noir en Afrique du Sud sera déplacé et réinséré dans un nouvel État indépendant de manière respectueuse et il n'y aura ainsi plus d'obligation de ce Parlement de prendre politiquement en compte ces personnes. » Connie Mulder, ministre des Relations et du développement pluriel, devant l'Assemblée le 7 février 1978.

En 1952, le gouvernement impose à tous les Noirs âgés de 16 ans et plus de porter sur eux en permanence un pass book (laissez-passer) contenant leur pièce d'identité et un certificat d'origine tribale (Native Act n°67).

En 1953, la loi sur la systématisation des aménagements publics distincts est promulguée (Reservation of Separate Amenities Act). Des bancs sont réservés aux Blancs, d’autres aux non-Blancs. La Bantu Education Act restreint l’accès des Noirs à l’éducation. Le Bantu Labour Act interdit aux Africains de faire grève et de se syndiquer. Et ensuite, en 1956, l'Industrial Conciliation Act interdit les syndicats ouvriers mixtes.

Le Congrès panafricain est né d’une scission d’une branche de l’ANC. C’est Robert Sobukwe qui fonde ce mouvement politique à Johannesburg, immédiatement rival de l’ANC dont il dénonce le projet d’intégrer des Blancs dans l’instance dirigeante et s’oppose à l’influence du Parti communiste d’Afrique du Sud. Le projet politique de M. Sobukwe se veut néomarxiste et souhaite renommer l’Afrique du Sud « Azania ».
Photo : Robert Sobukwe (gauche) et Potlako Leballo (droite), membre du Congrès panafricain.

Le 21 mars 1960, le Congrès panafricain lance une campagne de défiance au gouvernement. Dix jours avant l’ANC.

A Sharpeville, la police répond par la force. Le bilan est lourd 69 morts et 186 blessés. Le gouvernement décrète l’état d’urgence à la suite de ce massacre. Le Congrès panafricain et l’ANC sont interdits. Robert Sobukwe est emprisonné.

L’ANC, fondé en 1912, se tourne vers la lutte armée après l’interdiction du parti par le pouvoir. Il fonde « Umkhonto we Sizwe » (MK, « fer de lance de la nation » en français), la branche militaire de l’ANC qui, à peine créée, va lancer une campagne de sabotage et d’attaques de bâtiments officiels. Cette même année, le Premier ministre Hendrik Verwoerd proclame la création de la République d’Afrique du Sud et se retire du Commonwealth.

|  Ahmed Kathrada (ANC) raconte le passage à la lutte armée.

En compagnie de sept autres membres de l’ANC, Nelson Mandela est condamné à la prison à vie dans le procès dit de « Rivonia » pour complot, sabotage et trahison. Cette image furtive de « Madiba », son surnom, sera la dernière avant 1990, date de sa libération.

En 1976, d’importantes émeutes éclatent dans le township de Soweto, les manifestants sont descendus dans la rue notamment pour protester contre l’enseignement obligatoire en Afrikaans. La répression est féroce et fait plus d’un millier de victimes. Le Conseil de sécurité de l’ONU condamne la violence du gouvernement et sa politique d’apartheid.

Ancien ministre de la Défense, Pieter Botha remplace John Vorster contraint de démissionner en 1978 dans le cadre d’un vaste scandale politico-financier. En 1983, Pieter Botha, chef du gouvernement, fait voter une nouvelle Constitution qui bouscule les principes de l’apartheid en créant des organes de représentation des communautés non blanches. C’est ainsi que verra le jour un Parlement tricaméral ouvert aux Indiens, mais aussi aux métis. Pieter Botha démissionnera en 1989, affaibli par la maladie, et laissera le pouvoir à Frederik De Klerk.

|  Roelof « Pik » Botha, ministre des Affaires étrangères

À partir de 1990, les principales lois fondant le régime de l’apartheid sont abolies par le Parlement sud-africain. Nelson Mandela est libéré tandis que l’ANC, le Parti communiste ainsi que tous les mouvements noirs sont légalisés. En 1993, Nelson Mandela et le président Frederik De Klerk reçoivent conjointement le prix Nobel de la paix. Nelson Mandela est élu président de la République d’Afrique du Sud le 9 mai 1994.

|  Libération de Nelson Mandela