Chronologie des évènements
Chapitre 3 - Les antibalakas

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Mouvement de résistance populaire contre la Seleka ou instrument à la solde de l’ancien pouvoir, les anti-balaka ont différents visages. Du paysan sous-armé exaspéré par les exactions des Seleka, à l’officier des Forces armées centrafricaines qui a choisi le parti de l’ancien président Bozizé, partout où ils sont, les anti-balaka sont craints. Sans chaine de commandement unique et clairement établie, ils pratiquent une vengeance aveugle contre les musulmans perçus comme des soutiens à la Seleka. Une stratégie de la terreur qui provoquera des exodes de populations.

1 | L’émergence des anti-balaka

I ls viennent des villages du pays profond, s’initient dans la brousse où ils reçoivent des gris-gris censés leur procurer l’invulnérabilité. Les anti-balaka sont des paysans, le plus souvent animistes, constitués en milices. En 2009, alors que des bandes armées écument le nord du pays, le pouvoir incite les villageois à se défendre. C’est la naissance de leurs groupes. En sango, « balaka » signifie « machette ». Mais leur nom fait aussi référence aux « balles AK », les balles des fusils-mitrailleurs kalachnikovs. En 2013, face aux violences commises par les membres de la Seleka, les anti-balaka renaissent, d’abord dans la région de Bossangoa, fief du président déchu François Bozizé, puis plus largement dans l’Ouest.




De la défense à la vengeance

  • Un combattant anti-balaka à Bangui, le 14 janvier 2014. © Reuters/Siegfried Modola
  • Une milice anti-balaka, le 25 novembre 2013 dans le village de Mbakate, en RCA. © Reuters/Joe Penney
  • Des femmes anti-balaka s’entrainent sur l’île de Bangossoa le 21 février 2014. ©AFP/Fred Dufour
  • Un anti-balaka dans le village de Zawa le 8 avril 2014.© Reuters/Goran Tomasevic


Mais ces nouveaux miliciens ne se limitent pas à l’autodéfense. Ils se livrent dès le départ à des actes de vengeance sur les civils musulmans. Parfois équipés d’armes neuves. Régulièrement encadrés par d’anciens FACA .

Reçoivent-ils des financements et des soutiens de la part des cercles bozizistes ? Les diplomates en sont persuadés. L’ONU sanctionnera même François Bozizé pour « appui matériel et financier à des miliciens qui s’emploient à faire dérailler la transition ». Toujours est-il que lors de la bataille de Bangui, le 5 décembre 2013, les anti-balaka sont devenus une force armée à part entière.


  Lire « La nébuleuse anti-balaka »


« Bozizé poursuit ses opérations de déstabilisation et s’efforce de fédérer les milices anti-balaka pour entretenir les tensions dans la capitale de la République centrafricaine. Les forces qui lui sont loyales participent désormais aux représailles menées contre la population musulmane du pays. »
Comité des sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies, Mai 2014






Ministre de la Défense,
Thomas Théophile Tchimangoua,
à propos des anti-balaka, avril 2014

Paroles d’hommes sur les anti-balaka,
avril 2014




Deux profils se distinguent chez les anti-balaka. D’une part les anciens militaires, les FACA , devenus « résistants » contre les rebelles de la Seleka. D’autre part les villageois insurgés, les paysans armés qui se sont soulevés souvent en réaction aux crimes commis par les rebelles du nord dans leurs villages.

Trente années passées dans l’armée on fait de Gilbert Kamizoulaye un vieux grognard. Un homme endurci et déterminé. Chassé de l’armée, torturé et emprisonné par les chefs de la Seleka à Bangui en 2013, il a pris le maquis pour rejoindre les anti-balaka dont il devient l’un des dirigeants sur le front ouest de Bangui.

Capitaine Gilbert Kamizoulaye, avril 2014



Pas de nom, mais un surnom. Pas de photos, mais un visage, celui de la vengeance et de la terreur. Le colonel « Douze Puissance » est issu de l’Ombella Mpoko. Une région agricole déshéritée. Il a quitté son village après le meurtre de son épouse pour se cacher en brousse pendant quatre mois durant lesquels il dit avoir été « initié ». Basé dans le quartier de Boy-Rabe, il est considéré comme l’un des anti-balaka les plus violents. Face à la presse, ses propos se veulent pourtant conciliants.

Colonel « Douze Puissance », avril 2014



Le « général Marcel Ndalé », alias Sylvain Gbokaho Minang Sylvain, fait partie des anti-balaka « historiques ». Ce paysan de la Nana Mambéré a commencé par constituer en 2006 un groupe d’autodéfense face aux coupeurs de route. Il a repris le chemin de la brousse en 2013 après la prise de pouvoir de la Seleka, pour mettre fin aux exactions. Sa légende veut qu’il ait installé une « base », sur la route de Bohong, et que 800 hommes des villages soient venus le retrouver. Beaucoup de jeunes. Le 26 octobre 2013, Ndalé et ses hommes, renforcés par de nombreux ex-FACA (Tooltip Forces armées centrafricaines), réussissent à reprendre le contrôle de Bouar à la Seleka. Ndalé clame son désir de lutter contre les fauteurs de trouble, mais faudra attendre l’arrivée de la force Sangaris pour ramener le calme dans la ville.

Le « Général Andilo », de son vrai nom Rodrigue Ngaibona, fait figure d’électron libre au sein de la mouvance anti-balaka. Puissant, violent, craint par beaucoup, toujours aux confins de la lutte armée et du banditisme, Andilo est souvent détesté - même au sein de la mouvance anti-balaka - parce qu’incontrôlable. Le 5 décembre 2013, il prend part à la vaste offensive sur la capitale. Le 17 janvier 2015, la Minusca l’arrête à Bouca. Il est transféré à Bangui où il est placé en détention. Ses hommes sont suspectés d’être derrière les enlèvements du mois de janvier, pour demander sa libération.

  Lire le Portrait d'Andilo



2 | Le tournant du 5 décembre 2013

A u matin du 5 décembre, l’aube est rouge sang à Bangui. Les anti-balaka épaulés par d’ex-FACA lancent une offensive en trois points de la capitale. La veille, des colonnes d’anti-balaka sont entrées dans la capitale. C’est le début d’une série d’offensives et de représailles qui feront un millier de morts et marquera le début de la chasse aux musulmans.






Bangui se venge,
décembre 2013

Les habitants déclarent la guerre
aux musulmans

janvier 2014




Les deux camps commettent des crimes de guerre, relève Amnesty International. Cette date coïncide avec le début de l’intervention française, l’opération Sangaris. 1 600 soldats français tentent de ramener l’ordre dans une capitale en proie au chaos.



Affrontements entre chrétiens et musulmans Reportage David Thomson et Richard Riffonneau, Bangui, janvier 2014





La haine déferle sur Bangui

  • Le 6 décembre 2013, les cadavres jonchent les rues de Bangui. © AFP/Sia Kambou
  • Les blessés arrivent nombreux au dispensaire de MSF du camp de Mpoko. ©Laurent Correau/RFI
  • Le dispensaire de MSF du camp de Mpoko à Bangui. ©Laurent Correau/RFI
  • Lynchage dans les rues de Bangui. Laurent Correau / RFI



Quand François Hollande lance Sangaris, le 5 décembre 2013, suite à l’adoption par le Conseil de sécurité de l’ONU de la résolution 2127, il s’agit d’enrayer la mécanique des exactions et de permettre la montée en puissance des forces internationales. L’opération ne doit durer que quelques mois. Un an et demi plus tard, les troupes françaises sont toujours déployées. Après s’être concentrées sur la sécurisation de Bangui, elles se sont déployées début 2014 dans l’ouest du pays où elles ont notamment tenté de sécuriser la route d’approvisionnement principale qui relie Bangui au Cameroun. D’avril à septembre, Sangaris s’est déployée vers le centre et l’est. Après avoir plafonné à 2 000 hommes mi-2014, la force commence à adapter son dispositif. Les effectifs commencent à être réduits, les moyens se « densifient ». En mars 2015, Sangaris compte 1 700 hommes. Pour quel bilan ? L’armée française aligne ses chiffres : sur la première année d’existence de la force, plus de 14 tonnes de munitions ont été détruites. 8 000 armes de toute nature ont été saisies. Mais un an après la création de Sangaris, les éléments de l’ex-Seleka continuaient à agir comme bon leur semble dans des régions entières du pays. Des convois humanitaires étaient toujours attaqués, rançonnés par des groupes armés.

Une patrouille prise à partie dans un quartier de Bangui, Olivier Fourt, décembre 2013



Pour aller plus loin :
Réécouter Qui sont les anti-balaka ?, Grand reportage, mai 2014, Olivier Rogez



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