En janvier 2014 Catherine Samba Panza succède à Michel Djotodia à la tête de la transition centrafricaine. Les défis qui l’attendent sont colossaux. Désarmer les milices, restaurer l’autorité de l’Etat, organiser des élections, remettre la Centrafrique dans le concert des nations. Dans cette tâche, la nouvelle transition bénéficiera de l’aide d’une opération onusienne de maintien de la paix, la MINUSCA qui prend effet en septembre 2014, ainsi que de l’appui des autres forces internationales (Sangaris et Eufor-RCA)
Depuis le 5 décembre, Bangui est à feu et à sang. Les affrontements entre anti-balaka et Seleka prennent une tournure confessionnelle. Michel Djotodia est incapable de contrôler les événements. Il faut un choc politique. Au cours du sommet de la CEEAC à Ndjamena les 9 et 10 janvier, les dirigeants d’Afrique centrale mettent en scène son départ.
Jamais, sans doute, le poids d'Idriss Déby dans les affaires centrafricaines n'aura été aussi flagrant. À la tribune, le président tchadien sermonne Michel Djotodia et son Premier ministre Nicolas Tiangaye avant de faire venir à Ndjamena les 135 membres du Conseil national de transition. Le but est d'entériner la démission du président putschiste. Déby, qui avait scellé le sort de François Bozizé en laissant la Seleka entrer dans Bangui en mars 2013, vient de décider du sort de Michel Djotodia. Mais le numéro un tchadien n'agit pas seul. Le sort des deux dirigeants centrafricains fut aussi largement décidé par la France.
Personne à Bangui n'a oublié la phrase de François Hollande :
« On ne peut pas laisser en place un président qui n'a rien pu faire, qui a laissé faire »
Annonce de la démission de Michel Djotodia et de son Premier ministre, Nicolas Tiangaye, janvier 2014
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Élue le 20 janvier 2014 par le Conseil national de transition à la tête du pays, Catherine Samba-Panza avait, aux yeux de tous, le profil le plus adapté pour succéder à Michel Djotodia. Née le 26 juin 1954 à Fort Lamy (l’actuelle Ndjamena), d’un père camerounais et d’une mère centrafricaine, elle est chrétienne, mais parle l’arabe. Dans un pays où la fracture Nord-Sud est une plaie béante, cette image de rassembleuse est son principal atout. Une dizaine d’années plus tôt, en 2003, elle avait été vice-présidente du dialogue national initié par François Bozizé. Cette juriste, spécialisée en droit des assurances, est réputée femme de dialogue, intègre et consensuelle. Elle a été maire de Bangui (entre mai 2013 et janvier 2014), membre du Conseil national de médiation, du groupe des sages de la République…
Depuis qu’elle s’est lancée dans le marigot politique centrafricain, son image s’est dégradée dans l’opinion. Ses détracteurs l’accusent d’avoir privilégié, dans le choix de ses collaborateurs directs, des critères familiaux ou régionalistes (notamment en surreprésentant la communauté Gbanziri). Son image de « Mère de la Nation » désintéressée a également été écornée par l’affaire des fonds angolais, 2,5 millions de dollars sur les dix offerts par Luanda qu’elle a fait échapper aux circuits officiels de contrôle des ressources publiques. Ses proches assurent qu’il n’y a eu aucun enrichissement personnel et que cette somme a servi à alimenter des « fonds politiques ».
Bien que son action à la tête de l’État soit étroitement dépendante du soutien financier et militaire de la communauté internationale, Catherine Samba-Panza sait imposer ses points de vue. Le 10 août 2014, elle a nommé au poste de Premier ministre Mahamat Kamoun, contre l’avis de ses partenaires internationaux qui la pressaient de choisir Abdou Karim Meckassoua.
Election de Catherine Samba-Panza, reportage David Thomson et Richard Riffonneau, janvier 2014
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Fin janvier 2014, les éléments de la Seleka quittent le camp de Roux qui était devenu le cœur de leur pouvoir, à Bangui. Ils évacuent également le camp Kasaï. Ils sont escortés par les forces internationales vers des sites de cantonnement plus éloignés du centre. Des généraux rebelles ont été vus un peu plus tôt quittant Bangui sous escorte tchadienne. Le rapport de force leur est nettement devenu défavorable. Ils étaient désormais assiégés, harcelés par les anti-balaka et le départ de Michel Djotodia du pouvoir ne leur laisse plus rien à protéger. Certains, qui n’ont rien à retrouver à l’Est, restent sur les sites de cantonnement du RDOT de BSS et de camp Beal.
Les autres rentrent chez eux. « Nous profitions des convois tchadiens qui escortaient leurs ressortissants, se souvient un responsable de la Seleka, pour sortir de Bangui et repartir ensuite vers nos préfectures. Les combattants tchadiens et soudanais, qui étaient encore avec nous, sont repartis vers leurs pays. » Des organisations internationales comme l’OIM (Tooltip Organisation internationale pour les migrations) accompagnent certaines opérations de retour vers l’intérieur.
Le principe d’un grand forum à Brazzaville pour tous les Centrafricains avait déjà été posé lors de la réunion informelle des pays d’Afrique centrale qui s’est tenue le 27 juin 2014 en marge du sommet de l’Union africaine de Malabo. Les pays du Groupe international de contact (GIC) sur la République centrafricaine ont appuyé l’appel le 7 juillet en fixant les dates du forum et en l’appelant à « convenir de l’arrêt de toutes les violences, à travers la signature par les entités concernées, d’un accord de cessation des hostilités, du désarmement des groupes armés et d’un nouveau cadre politique de la transition. »
Les pays membres du GIC décident également que ce forum de Brazzaville sera suivi d’autres étapes : des concertations dans les différentes préfectures du pays et un forum élargi à Bangui. L’accord, qui est signé le 23 juillet 2014, à l’issue de trois jours d’intenses consultations et de rebondissements (la délégation de la Seleka affirmant même à un moment son désir de partition du pays), n’est finalement qu’un accord à minima. Il ne concerne que le cessez-le-feu.
Six mois après la signature du texte de Brazzaville, le Premier ministre de transition Mahamat Kamoun lance le 21 janvier 2015 les consultations populaires à la base. Des équipes de facilitateurs guidés par des « ministres résidents » sont envoyées dans les 16 préfectures, mais aussi dans les camps de réfugiés des pays voisins. Les actes d’intimidation des ex-rebelles sur certaines délégations cessent après une intervention musclée des forces internationales. Le 8 mars, la préfecture la plus reculée, celle de la Vakaga est visitée par les facilitateurs.
Le rapport de synthèse établi à la mi-mars donne l’ampleur du chantier à venir :
« Les Centrafricains ont fortement exprimé leur volonté de sortir rapidement de la crise et de rompre avec les soubresauts de l’histoire tumultueuse et violente de la RCA caractérisée par la surcharge de frustrations, de blocage, de misère et de perte de confiance en soi et à l’autre. C’est dans cette perspective que les régions visitées ont accepté dans l’unanimité l’ouverture au dialogue intercentrafricain pour repenser honnêtement la paix et la sécurité, la bonne gouvernance et le relèvement économique. »
La Misca, Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine se déploie à partir du 19 décembre 2013 en RCA sous la houlette du général congolais Jean-Marie Michel Mokoko. Elle succède à la Micopax (Tooltip : Mission de consolidation de la paix en Centrafrique), et intègre des contingents venus du Rwanda, du Burundi, de la RDC, du Congo, du Gabon, du Tchad, du Cameroun et de la Guinée équatoriale. Les effectifs atteignent 6 000 hommes en février 2014. Face à l’hostilité croissante des populations centrafricaines envers les Tchadiens et suite au clash armé du 29 mars entre soldats tchadiens et anti-balaka à Bangui, Ndjamena quitte la Misca le 3 avril, et replie ses hommes au Tchad dans les jours qui suivent.
Le 15 septembre 2014, la force africaine passe le témoin à une mission des Nations unies, la Minusca (Tooltip : Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies en République centrafricaine). « J’ai le sentiment d’avoir fait ce que nous pouvions faire », estime le général Mokoko qui déplore le manque de moyens auxquels la force a fait face dès le départ.
La Minusca a tardé à atteindre sa pleine capacité opérationnelle. Ce fut chose faite fin avril 2015. 90% des 10 000 casques bleus prévus et 1500 des 1800 policiers étaient déployés à cette date.
Reportage auprès du contingent burundais, Olivier Fourt décembre 2013
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Auteurs Olivier Rogez, Pierre Pinto et Laurent Correau - RFI
Reportages audios Laurent Correau, Olivier Fourt, Pierre Pinto, Richard Riffonneau, Olivier Rogez, David Thomson - RFI
Edition et scénarisation Latifa Mouaoued - RFI
Images AFP, Reuters, RFI
Conception, graphisme et développement Studio Graphique France Médias Monde